La copropriété, vous la vivez, à longueur d'année, comme copropriétaire, membre ou non d'un conseil syndical, comme locataire ou comme prestataire. Mais connaissez-vous l'envers du décor de la copropriété, du côté du syndic, du gestionnaire de votre immeuble ?
Depuis quelques années, l'ANGC (Association Nationale des Gestionnaires de Copropriété) publie régulièrement une chronique dans la revue « Informations Rapides de la Copropriété ». Cette rubrique présente, avec une touche d'humour, les moments de la vie d'une copropriété, vécue du côté du gestionnaire. Nous pensons que l'on se comprend mieux et que l'on travaille mieux ensemble, lorsque l'on se connaît mieux.
Avec l'accord de l'auteur et de la revue, nous reproduisons ici, à chaque publication, la chronique de Gilles Frémont, président de l'ANGC.
Nous espérons que celle-ci, outre le plaisir que vous prendrez à la lire, vous permettra de mieux comprendre la vie de la copropriété… vue de l'autre côté.
Créée en 2017 et première organisation professionnelle regroupant les Gestionnaires de Copropriété, l'ANGC a pour mission de promouvoir et représenter les intérêts des métiers de Gestionnaires, Comptables et Assistant(e)s de Copropriété auprès des dirigeants et des copropriétaires. Elle ambitionne également de devenir une source d'information influente auprès des instances pour contribuer aux réflexions menant aux futures réformes.
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mai 2023
Copropriété : l'avare
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : l'avareChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
« - Monsieur le syndic, pouvez-vous intervenir fermement auprà,s de ce copropriétaire qui gare sa voiture de travers depuis six mois ?
- Oui bien sûr, je lui ai déjà envoyé un recommandé, je fais partir une mise en demeure d'avocat tout de suite
- Un avocat ? Ça va nous coûter de l'argent ça ! On ne peut pas lui mettre sur son compte ? »
« - La voisine du 5à,me, je crois qu'elle a branché son ballon sur les communs. Vous ne voulez pas vérifier ?
- Moi non, mais je peux envoyer un électricien si vous voulez ?
- Ça va nous coûter combien ça encore ?
- Je ne sais pas, 65 € ?
- Ben dis donc, il se mouche pas avec le dos de la cuillà,re, lui ».
« - Au fait, votre expert chauffage qui vient présenter son dossier à l'AG, il peut pas venir gratuitement ? Dites-lui qu'il aura les travaux derrià,re. Je vous laisse négocier
- Vous êtes sûr ? Parce que ça fait trois fois que vous repoussez les travaux ».
« - Ah, j'ai regardé le contrat de l'ascensoriste. Une vraie rente. On se fait tondre avec tous ces fournisseurs. Vous ne voulez pas leur demander de baisser leur prix, comme on est des clients fidà,les ?
- Elle a un petit goût amer la fidélité ».
« - Et le gaz, vous n'oubliez pas de renvoyer l'attestation pour le bouclier, hein ?
- Je l'ai fait la semaine dernià,re, en recommandé, mel, texto et fax
- Et vous avez reçu le chà,que ?
- Non dans six mois.
- Six mois !! C'est vachement long ! Vous ne voulez pas les rappeler ? »
« - J'ai acheté une ampoule à 1,50 €, je vous envoie le ticket de caisse vous me remboursez ?
- Ok je vous fait un crédit sur votre compte ?
- Non je préférerais un virement, voilà mon RIB. Je n'arrête pas de racheter des ampoules d'ailleurs.
- Essayez peut-être d'acheter des ampoules plus chà,res, elles tiendront peut-être plus longtemps ? »
« - Les compteurs d'eau, n'oubliez pas de les passer. Non parce que j'ai été absent deux mois cet été, je ne voudrais pas payer ce que je n'ai pas consommé ».
« - EDF, vous avez pu récupérer l'avoir ? 6 000 € c'est de la folie !
- Oui je l'ai récupéré, mais vous le savez puisque vous l'avez vu dans les comptes l'année dernià,re : 4 254 € avec un petit « moins » devant, c'est ça l'avoir
- Ok, mais les 2 000 € restant ?
- EDF a dit non, je vous l'ai déjà dit. J'ai même écrit un courrier au médiateur, pas de réponse. Le dossier remonte à dix ans maintenant, et si on passait à autre chose ? »
« - J'ai regardé les devis pour le ravalement, ça va nous coûter un bras ça encore. Ils nous prennent pour des Américains. On ne peut pas faire d'autres devis ?
- Si bien sûr, ça fera juste que le quinzième ».
« - Et vous, d'ailleurs vos honoraires, c'est combien ?
- Moi ? Oh pas cher : 4 %, et 2 %, s'il y a un architecte.
- Un architecte, mais pourquoi faire ? »
« - J'ai donné 20 € au gardien pour les étrennes. Je vous envoie le reçu vous me remboursez ?
- Ah, ce n'était pas un cadeau ? »
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/6599-copropriete-l-avare
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avril 2023
Copropriété : je vous quitte
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : je vous quitteChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
« Je voulais vous écrire ce dernier mot. Sans doute, n'ai-je pas su répondre à l'ensemble de vos exigences, elles sont si grandes. J'ai essayé mille fois. Aujourd'hui, je suis tranquille, ma décision est prise, elle est irrémédiable. La relation entre le syndic et les copropriétaires repose sur une confiance intacte, apaisée. Presque une symbiose, tant nous nous côtoyons. Or, depuis quelques temps, cette relation s'est abîmée. Je la cherchais encore hier dans les tréfonds de nos débats partis très loin, trop loin. Je n'ai plus la foi, mon ressort est cassé. Aujourd'hui, c'est la défiance et l'adversité que je dois affronter au quotidien. J'ai fini par me retourner.
N'en faisons pas un drame, chers copropriétaires. Ainsi vont les affaires, fondées éternellement sur la confiance. Je suis syndic, je gère des immeubles et non des gens, ou alors dans une certaine limite que nous avons largement dépassée. J'aime l'humain, plus que je ne pouvais l'imaginer, mais il ne peut entraver le cours d'une saine gestion. Tel est mon métier.
Vous ne me prendrez plus à partie. Vous ne me ferez plus de procès d'intentions. Je n'aurai plus ce plaisir délicieux de recevoir les menaces de Monsieur Duranton, ni de subir les colères noires et l'humeur massacrante de Madame Dubarry, les mails humiliants de Monsieur Sarcas, les caprices de l'oracle Madame Bastard ou les troubles lunatiques de Monsieur Longchamps, quoique lui était le plus sympathique, le plus aimable, le plus courtois. J'aimais bien ses chocolats en décembre, un peu moins ses sommations d'huissier en janvier.
Je vous rends vos cartons et vous laisse trois mois pour trouver mon successeur. Je lui souhaite bonne chance. Je ne me vengerai pas bassement sur des facturations mesquines avant de tirer ma révérence. J'ai une certaine considération de moi-même et je respecte mes pairs. Je vous fais grâce des 3 000 mails qui ont encore remplis ma boîte cette année. Vous allez presque me manquer. Si vous étiez mon ex, je vous dirais on reste ami. Il paraît que l'amour dure sept ans, nous en aurons fait dix. »
Cette lettre est un cri du c?ur et, bien sûr, je ne vous l'enverrai jamais. Je l'ai écrite pour moi et pour tous les gestionnaires qui ont vécu un jour la même chose. Cette boule au ventre et ce poids sur la conscience, seul sur la terre. Lorsque je suis évincé, vous me couvrez d'éloges avec ce sempiternel et émouvant « ce n'est pas contre vous ». Je ne suis pas de cette veine. Si je vous quitte, c'est bien à cause de vous.
« Un de perdu, dix de retrouvés ». Se séparer d'un immeuble est un soulagement, mais me laissera toujours un goût d'échec dans la bouche. Je prends ma part. Peut-être ai-je fait de mauvais choix. Celui de vous dire oui la première fois. Nos chemins, depuis si longtemps enchevêtrés, se séparent ici. Je dois me consacrer à d'autres, vous l'aurez compris. Je retrouve ma voix, et vous le dis en chantant. « Je ne m'enfuis pas, je vole. Comprenez bien je vole... la la la... la la la ».
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/6546-copropriete-je-vous-quitte
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Mars 2023
Copropriété : On m'a volé mon vélo
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : On m'a volé mon véloChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
« Monsieur le syndic, en arrivant ce matin dans le local à vélos, j'ai eu la fâcheuse surprise de voir qu'on m'avait volé mon vélo. Un cargo électrique tout neuf yobobo à 5 000 €. Ce local étant une partie commune sous votre responsabilité, merci de déclarer ce cambriolage à votre assurance. Ci-joint la facture d'achat de la semaine dernière ».
Monsieur Balto était copropriétaire depuis peu. Il avait le mail facile et discoureur, mais plutôt discret en face à face. Baskets blanches et col roulé, cheveux bouclés effet mouillé.
Article paru dans les Informations Rapides de la Copropriété numéro 686 de mars 2023
Coach de vie en développement personnel, il accompagne les entreprises dans leur transition sociale et responsable. Avant, il faisait dans le tai-chi et la permaculture. En tous cas il était souvent chez lui, donc dans l'immeuble. Son dada c'était le local à vélos, et la sécurité. Fallait bien que ça tombe sur lui. Chaque année il revenait à la charge en assemblée générale. Un graffiti dans le couloir, et hop, une caméra. Avec Dame Gisèle et ses produits à la citronnelle (une idée fixe), ils nous tapissaient l'ordre du jour. Mais Monsieur Balto se faisait retoquer par les anciens, en particulier Monsieur Albert, le Président, caractériel et indéboulonnable : «Vos caméras ça ne sert à rien, les intrus portent une capuche. Vous n'avez qu'à blinder votre porte et vous acheter une alarme ». Le camp des vieux et le camp des jeunes. Les premiers ont de plus grands appartements, donc plus de millièmes, donc la majorité. Suffrage censitaire. Son groupe WhatsApp fermé en catastrophe au bout de trois jours, et sa pétition grandiose signée par lui et sa femme n'y changèrent rien.
La copropriété est impitoyable, haut lieu de la frustration. Et Monsieur Balto, durement rabroué par ses voisins, ne pouvait que venger son ressenti sur son syndic. Par mail donc, son moyen d'expression favori. Un larcin dans l'immeuble ! Une occasion en or de clamer son mécontentement général, et de pointer l'insuffisance? que dis-je, la défaillance, la carence, l'incompétence du syndic. Comment lui dire que l'assurance n'indemniserait pas ? Sans chichi ni minauderie, qu'il comprenne d'emblée qu'il n'y aurait pas de chèque à la clé, et qu'il n'avait plus qu'à se racheter un vélo, un peu moins cher cette fois, ou faire du co-voiturage avec Monsieur Albert, si toutefois il l'eut laissé monter dans sa berline, la diesel à papa, fallait pas y toucher. Sapin au rétro, le capot dépassant allègrement la ligne de parking, la grosse tâche d'huile dégoulinante sous la carlingue.
« Comment ça, ce n'est pas garanti ! ». Monsieur Balto est outré. « Notre syndic n'a pas souscrit la bonne assurance ! ». Je m'attends à un courrier type de sa Protection juridique qui va me rappeler l'article 18. Après, je ne veux pas être désagréable, mais son vélo il n'avait qu'à l'attacher. Aucun signe d'effraction, sûr que c'est encore un locataire. Action-réaction, je changerai le code et ferai une affiche, ma spécialité. Finalement, trois heures plus tard, sa femme revient? le vélo entre les mains : « Chéri, je suis rentrée ! ».
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/6479-copropriete-on-m-a-vole-mon-velo
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Janvier-février 2023
Copropriété : le nouveau
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : le nouveauChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Quand on arrive dans un nouvel endroit, on fait profil bas. Dans une copropriété, corps social par essence, il en va tout autant. On se présente aux autres, on dit bonjour. Mais faire assaut de discrétion n'est pas à la portée de tous. Certains caractères arrivent en terrain conquis, sans s'embarrasser de l'ordre établi, par péché d'orgueil, pour briller en société.
Le nouveau, c'était Monsieur Prat. Il venait d'acheter son appartement le matin même. Ma chouquette n'était pas encore déglutie, qu'une première salve de mels me sautait au visage. Le ton est péremptoire, le verbe haut. Manifestement, Monsieur Prat, radiologue de son état, voulait marquer son territoire.
«Cher Monsieur le syndic, vous n'êtes pas sans savoir que ces charges étaient dues par mon vendeur. Visiblement je dois vous apprendre votre métier. Par ailleurs, j'entends porter ma candidature au conseil syndical lors de la prochaine assemblée générale. Merci de le noter ».
Il ne m'aura fallu que ces quelques lignes révélatrices pour savoir à qui nous avions à faire. L'assemblée se profilait dans quelques semaines, et après plusieurs échanges houleux, Monsieur Prat m'y promettait l'enfer. Vous allez voir ce que vous allez voir.
Je devais donc me préparer avec soin, dresser la liste de mes arguments et contre-arguments, puis les classer méthodiquement par ordre de robustesse et d'efficacité, séparer ceux qui résisteront aisément à la contradiction, qui feront mouche, de ceux où les objections seront hautement probables et me placeront sur un terrain glissant. Je repasse mon répertoire de chiffres clés, de phrases toutes faites empreintes d'évidence, et d'exemples plus ou moins avérés. Car rhétorique n'est pas philosophie, il faut moins démontrer que convaincre. L'assemblée générale, habituellement lieu de délibération, devient compétition, affrontement. Je fourbie mes armes, ma ligne ne saurait souffrir la moindre faille.
La séance est ouverte. Monsieur Prat, sans ambages, intimement persuadé de sa supériorité, commence son verbiage. « Monsieur le syndic, vos comptes ne peuvent pas être approuvés. Nous allons devoir reconvoquer et vous devrez en supporter les frais ». Il n'y va pas de main morte. « De plus, vos devis sont trois fois trop chers ». L'interlocuteur est coriace. Il assène ses vérités à coup de boutoir. Difficile de défaire ses allégations sans y passer des heures. Comment contrecarrer son influence. Répondre pied à pied, ou laisser couler et faire régner le silence. Je dois m'adapter au gré de la discussion, flairer les prémices de l'auditoire et lire les réactions. L'art du débat n'est pas figé. L'ordre du jour défile, et Monsieur Prat continue sa déclamation et sa mainmise sur la réunion. « Je vote contre cette résolution qui n'a aucun sens. Je l'ai soumise à mon notaire, il a dit qu'elle n'était pas valable ». Le notaire, argument d'autorité par excellence, la source serait irréfutable. J'esquisse quelques coups d'épée, mais il ne vacille pas d'un iota. Une chape de plomb pèse sur l'assemblée. A cet instant, Madame Bernard, une petite dame qu'on n'avait jamais entendu jusqu'alors, de sa chaise remarqua que le nouveau voulait faire sa loi. Elle sortit de son sommeil et lui lança un fracassant : « Monsieur Prat, vous devriez la fermer ! ».
Et l'inattendu se produisit. Finalement pourquoi déployer autant de stratégie. Madame Bernard l'avait renvoyé dans ses 22 à perpétuité. En une fraction de seconde, elle l'avait foudroyé. Le nouveau, si flamboyant, avait disparu.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/6432-copropriete-le-nouveau
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Décembre 2022
Copropriété : les punaises de lit
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : les punaises de litChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Surtout ne paniquez pas. Le téléphone du syndic est un peu comme le standard du SAMU. Les gens vous appellent dans l'urgence absolue, sans vous ne donner ni leur nom ni leur adresse. Le discours est décousu, les paroles confuses, le timbre de voix angoissé. Le pronostic est vital.
- « Allô j'écoute. Quel est votre problème Madame ? Oû avez-vous mal ? Ressentez-vous une gêne dans le bas ventre ? Quel est votre rythme cardiaque ? Avez-vous des nausées ? Ouvrez vos fenêtres et respirez, tout va bien se passer. Le plombier ne va pas tarder à arriver ».
Fuite aggravée façon geyser, ascenseur bloqué, ampoule grillée ou clé égarée?La hotline du syndic tourne à plein régime. Appel de charges incompris ou frais de relance mal vécus, l'eau est tiède, le radiateur est froid? Tout y passe. Attention, un ouvrier marche sur le toit, un homme encordé est pendu à la fenêtre, vite, il faut sonner le tocsin. Une poubelle n'a pas été rentrée, le parking est grand ouvert, l'heure est grave, les loups-garous vont pénétrer. Sachez-le, votre interlocuteur ne vous agresse pas, non, il vous envoie un SOS. Vous ne devez pas vous braquer, non, vous devez le rassurer. Moine Shaolin, Maître Yoda. D'un calme olympien, le syndic-urgentiste apaise, calme les maux et soigne les plaies, la tête froide, quelle que soit la tonalité employée. Quoique. « Je m'en occupe », voilà ce qu'ils veulent entendre. « Je fais le nécessaire », voilà ce qu'il faut leur dire. Ni plus, ni moins.
Mon téléphone sonne. « Monsieur Frémont, quelqu'un a affiché un mot ! Je vous le lis c'est très inquiétant : l'immeuble est envahi de punaises de lit. Si vous en avez, contactez le syndic de toute urgence ». Avis à la population. Un mot dans les parties communes, quelle idée de génie. L'information se propage comme une traînée de poudre, la rumeur enfle, mon téléphone brûle, mes mails montent en pression, je suis assailli. Les punaises de lit sont chez nous, le retour. Peur sur la ville, les zombies grouillent à la porte, psychose à tous les étages. C'est l'émeute. Appelez les pompiers, la police et l'armée, sauve-qui-peut, les femmes et les enfants d'abord. Les petites bêtes vont nous piquer, nous dévorer, je sens déjà les démangeaisons, les plaques rouges, ça pustule, ça suinte, ça se décolle, j'ai mal, ça gratte !
- « Ok Madame, pas d'affolement, avez-vous observé des nuisibles dans le pli de votre oreiller ? Êtes-vous revenue d'un voyage aux Amériques, d'un motel sordide comme dans les feuilletons américains ? ». J'essaye de dédramatiser et de poser le diagnostic. Mais la dame, qui ne m'a toujours pas donné son nom, est en émoi, impossible à canaliser.
- « écoutez Madame, ça ne vole pas, ça ne saute pas à la gorge non plus. ça s'immisce, ça rampe à plat ventre, mais ce n'est pas méchant, ne versez pas d'acide, je vous envoie un chien renifleur.
- Un quoi ?
- Un chien, pas pour vous, pour l'appartement, il va détecter les parasites planqués dans votre matelas, vos rideaux et vos chemisiers, les bestioles ont peut-être déjà proliféré.
- D'accord, mais combien ça va coûter tout ça, ce n'est quand même pas moi qui vais payer ? ça dépend Madame, les punaises de lit, c'est privatif ou c'est commun ?
- Euh, bon, je vais réfléchir, ça me gratte déjà un peu moins. Je vous rappellerai si je vois quelque chose. Je vais déjà défaire mes valises hein. Merci beaucoup ! ». Mais de rien Madame, je suis là pour ça. En cas de pépin, faites le 15 ! Syndic j'écoute.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/6378-copropriete-les-punaises-de-lit
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Novembre 2022
Copropriété : itinéraire d'un gestionnaire
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : itinéraire d'un gestionnaireChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Devenir gestionnaire de copropriété prend du temps. On commence souvent son apprentissage par un stage en alternance, la moitié de la semaine sur les bancs de l'école, l'autre moitié dans le fauteuil de l'entreprise. Le rythme est soutenu, passer d'un monde à l'autre sans intervalle requiert une agilité d'esprit. étudiant ou professionnel, les réflexes, la pensée, ne sont pas les mêmes.
Jeune matelot, sous la couverture et bienveillance d'un tuteur, son port d'attache, on prend ses marques en toute quiétude, on intègre les codes implicites de l'entreprise, on ouvre grandes ses écoutilles, et l'on découvre les yeux ébahis l'univers médusant de la copropriété. Progressivement dans la peau du syndic, on fait ses premiers pas, on noue ses premiers contacts. Sans le savoir, on est déjà acteur.
Des copropriétaires vous ont appelé, vous avez répondu, ça y est, ils comptent sur vous. Vous voilà embarqué. Bienvenue dans le métier.
Après deux ans, diplôme en poche, on est déjà Gestionnaire junior, dans le grand bain. On vous confie un petit portefeuille, des immeubles rien qu'à soi, un portefeuille sain et quelques cas atypiques pour se faire les dents. On largue les amarres pour se frotter seul à la dure réalité du terrain, tellement belle, tellement vraie. Le grand large. On se fait quelques frayeurs, le dos rond quand ça tangue, à tâtons sur les recherches de fuite, prudent sur les chantiers, sous l'aile d'un ancien, son filet de sécurité. On consulte, on cherche, on creuse, l'horizon se dégage, les contours du métier se dessinent peu à peu. En immersion, on engrange de l'expérience brute, on s'enrichit de vocabulaire : droit, architecture, bâtiment. On absorbe le savoir des autres. L'effort est gratifiant.
Au bout de trois ans, certains jettent l'éponge, d'autres franchissent le cap avec brio. Et l'on devient Gestionnaire confirmé. L'âme du syndic, sensible et affirmée, le cœur vaillant, la main solide. On discerne le principal de l'accessoire, l'urgence du facultatif. On accumule des tonnes de compétences, des tonnes d'informations, on rencontre une multitude de gens, des vicieux et des vertueux. On comprend toute la dimension humaine du métier et on apprend à l'aimer. On nage entre deux eaux. Vous habitez votre personnage. Le rythme effréné des journées, la cadence infernale des assemblées générales, façonnent votre caractère à vitesse maximale. On contourne les pièges, les chausse-trappes. Les vagues déferlantes vous fortifient. On gagne en confiance. On fête ses succès, ses immeubles gagnés, ses travaux achevés, ces petits mercis.
Le temps passe et le bon vin se bonifie. La maturation fait son œuvre. Au bout de dix ans, on est un Gestionnaire aguerri. Premier bilan de sa vie professionnelle, ce jour-là on devient un syndic sûr de soi, rompu à l'exercice, étanche aux intempéries, aux bourrasques et autres vents violents. On manie ses assemblées d'une main de maître, on y prend même du plaisir, on est détaché, délesté de ses sentiments. Briscard, on navigue à vue. On domine n'importe quelle situation, on en a vu d'autres, on imagine tous les scénarios selon nos décisions, on connaît leur dénouement. Malgré toute cette expérience, certaines choses vous sembleront encore étranges. C'est la magie de ce métier, qui vous réservera toujours quelques surprises, quelques mystères, et vous obligera, quelles que soient les années, à toujours regarder en arrière.
Jamais, vous ne perdrez pied. On a tous débuté un jour.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/6334-copropriete-itineraire-d-un-gestionnaire
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Octobre 2022
Copropriété : La Présidente
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : La PrésidenteChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
C'était un petit bout de femme, les yeux très maquillés, la chevelure teintée, un collier à perles sur son cou bien dégagé. Elle était séduisante. Pêchue, loquace comme pas deux, une pipelette comme on les aime, jamais à court d'histoires, bien racontées et savoureuses. Son passe-temps favori c'était les potins, dans un langage très familier, radio cancans, continûment sur le pas de sa porte. Elle n'était pas Présidente pour rien. Si vous aimez les ragots, si vous aimez les gens, alors faites de la copro. Le syndic est un confident.
Je frappe à sa porte, le Tour de France en fond sonore, un été caniculaire: « Bonjour Madame Langlois, je sors d'expertise, je passais vous voire - Ah Monsieur Frémont, vous avez croisez les Brisson ? Je les entendais hurler hier soir, ça passe par le conduit de ventilation. Je crois que leur couple bat de l'aile. Faut dire que Monsieur passe ses journées dans le canapé, un tire-au-flanc, il bricole je ne sais quoi à la cave, un jour il va tout faire exploser avec ses bouteilles de gaz, accro au bistrot vous voyez le genre, il a le teint jaune. C'est pour les gamins que ça doit être dur, il parait qu'ils sont haut potentiel, enfin c'est ce que les parents s'imaginent ». Je lui fais la conversation : « C'est vrai, je ne les vois plus en AG, ils n'envoient même plus leur pouvoir. Tant qu'ils payent leurs charges me direz-vous ».
Madame Langlois passe du coq à l'âne : « à ce propos j'ai aperçu ce pauvre Monsieur Rimbert, il a découvert que sa femme avait une double vie. Je dis ça je dis rien, mais à mon avis il n'est pas blanc comme neige non plus. Ils ont des mœurs légères ces deux-là. Guindés le matin débauche le soir. L'autre jour il est tombé tout nu du balcon, on n'a rien pu faire. Après c'est pour les enfants que je m'inquiète. Heureusement ils n'en ont pas ». Je ne suis pas à mon aise, mais ça me plaît, je la laisse continuer : « Vous savez moi les bruits de couloir ça ne m'intéresse pas trop, mais j'ai ouï-dire que Monsieur Serafin allait déménager, il a fait banqueroute, son affaire périclitait. Il vivait au crochet de sa mère, usufruitière de l'appartement mais c'est lui qui vivait dedans, elle l'a mis dehors sa progéniture, maintenant il part à Nantes comme tous ces parisiens, comme si c'était l'eldorado », dit-elle avec son accent parigot. Les murs ont des oreilles, le syndic est muet comme une tombe. Elle poursuit son récit avec entrain : « Vous saviez que Monsieur Chapus s'était cassé le col du fémur ? Il a glissé sur une bâche dans l'escalier, les travaux des petits jeunes au 4ème. Il est à moitié paralysé, son avocat ne va pas les louper. ça me fait de la peine pour eux, ils avaient l'air si gentils. Mais bon, voilà ce qui arrive quand on paye ses ouvriers au noir. Vous voulez une tasse de thé Monsieur Frémont ? - Non merci c'est gentil je dois y aller -Vous êtes sûr, c'est citron-gingembre. Mon mari adorait ça, paix à son âme. En partant saluez la gardienne de ma part, une vraie commère celle-là. »
Oui, le syndic est une source d'information intarissable. Véritable mur des lamentations, on ne lui pre?te aucune émotion. Pourtant, Mme Langlois, je la côtoie depuis vingt ans, comme tant d'autres présidents. Je les connais par cœur, leurs petits travers et leurs petites peurs. Je connais aussi leur bon cœur, il nous arrive souvent de rire. Ils me connaissent aussi. Pour rien au monde, ou presque, on ne se quitterait.
Syndic, copropriétaires...je t'aime moi non plus.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/6275-ma-vie-de-gestionnaire-de-copropriete-la-presidente
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Septembre 2022
Copropriété : Ma visite d’immeuble
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : Ma visite d’immeubleChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Du trottoir d’en face, je scrute la façade. Déformation professionnelle oblige, je ne peux m’empêcher d’avoir le nez en l’air dès l’instant que j’arpente la ville, quel que soit le lieu.
Le jour se lève.
C’est l’heure, je tapote le code, ma date de naissance pour le clin d’œil (on s’amuse comme on peut), me voilà dans mon élément, comme un poisson dans l’eau, au beau milieu du hall de l’immeuble, le cœur des parties communes.
J’actionne l’interphone à défilement digital, je pars dans le mauvais sens une fois sur deux évidemment.
«Bonjour, c’est le syndic, je suis arrivé, je vous attends en bas».
En attendant le conseil syndical, je jette un œil au tableau d’affichage…
Tiens, mon Règlement intérieur de 2004 est encore là, même pas griffonné (la prochaine fois, j’enlèverai quand même la date, d’autant que les consignes n’ont pas changé). Le paillasson coco tout neuf est bien garni, marron chocolat pour le chic, le lustre cylindrique en verre rayonne comme à Versailles, l’interrupteur laiton brossé à l’entrée apporte la touche finale. Les étiquettes de boîtes aux lettres sont à nouveau en bazar, j’avais tout changé d’office la dernière fois. Scotch, gros feutre et autocollants de travers, ça fait négligé à l’accueil.
On va reprendre tout ça vite fait-bien fait, le hall de l’immeuble c’est ma vitrine, la première impression du visiteur, la patte du syndic.
«Bonjour Monsieur Klop, comment allez-vous ?». Je sers la main franchement et je fais des sourires.
Le syndic est un homme politique. Maire du village, il serre des mains sur les étals, disponible et sympathique, il connaît le nom de ses copropriétaires et prend de leurs nouvelles.
C’est parti pour la visite accompagnée, inspection du sol au plafond, costume-cravate.
On attaque par la toiture-terrasse, je secoue le garde-corps pour faire mine de contrôler, je vois la mousse qui pousse, les relevés d’étanchéité qui bâillent. J’admire la vue, là-haut je suis peinard. On amorce la descente par la cage d’escalier, l’artère centrale. Je note les petits défauts, nez-de-marche un peu usés, tapis élimé, tomette descellée, fibre optique en spaghetti. Le détecteur de mouvement ne se déclenche pas, j’agite mon bras pour le rallumer, je préférerais taper le bon vieux bouton-poussoir.
Retour au rez-de-chaussée, l’étiquette ascenseur se décolle, un petit coucou à la caméra factice.
«Monsieur le syndic, on a fini ?». Non il reste les caves, les entrailles, je sais ce n’est pas une sinécure, mais c’est un incontournable : soupiraux bouchés, vert de gris sur la nourrice, hourdis fissurés, poutrelles oxydées, salpêtre au moellon. Je continue, fouillis inextricable et parasites, collecteurs fonte hors d’âge et autres terriers… Si vous avez peur des rats, des toiles d’araignée et de l’obscurité du radier, ne faites pas syndic : c’est aussi ça votre lieu de travail. On finit par s’y habituer, on purge, on passive, on ratisse, on perce, on ventile… et vos caves seront flambant neuves, votre immeuble remis sur pieds.
Un crochet par la cour avant de se quitter, pavés granit bien rejointés, plantes vertes bien arrosées, je pose mes dossiers sur la poubelle deux roues à hauteur d’homme, à ras bord, mon établi quand je suis dehors.
Je récapitule dans les grandes lignes, les petits os pour tout de suite, les gros devis pour l’assemblée, je salue la foule et je me retire.
Monsieur Klop est satisfait de son syndic, la visite lui a plu, le maire du village sera réélu.
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Juillet-août 2022
Copropriété : La main courante
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : La main couranteChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
La loi de futilité de Parkinson est une loi empirique selon laquelle toute organisation donne une importance disproportionnée à des questions superflues.
Elle prend l’exemple d’un comité fictif discutant d’un projet de réacteur nucléaire et passant la majorité de son temps à discuter de problèmes mineurs mais faciles à comprendre, comme le type de matériau à utiliser pour l’abri à vélos du personnel, tout en négligeant la conception du réacteur lui-même.
Le diable se cache dans les détails.
Dans cette histoire, l’objet de la discussion effrénée était une main-courante, une simple barre de fer d’un mètre, dont la petitesse était inversement proportionnelle à la longueur des débats. De prime abord, la question n’était pas sujet à controverse. Mais c’était sans compter sur l’effet abri à vélos.
Je lance les hostilités, premier devis, patatras, déjà trente mails en deux heures. Budget voté en AG… 900 €, le chantier du siècle !
L’assemblée a renvoyé au conseil syndical pour le choix du modèle, grosse erreur de stratégie, puisque le mandat au conseil syndical, indécis et trouillard, signifiait en réalité renvoyer à jamais.
Résultat, tout le monde met son grain de sel, et y va de son expertise :
« -Il faut du bois, non du métal
- Moi, je veux du fer plat
- Ah non, rond
- Demi-rond, alors ?
- Ok, mais avec des moulures ?
- Non sans moulures ! ».
Ce n’est que le premier tour de table, je craque déjà.
Un voisin a une idée lumineuse : « - Mettons une rosace pour cacher les fixations, ça fera joli » (leur immeuble c’est la huitième merveille du monde).
C’est parti pour le choix de la rosace, deuxième tour de table, re-mails.
« -Combien ça couterait en plus, Monsieur le syndic ?
- J’en sais rien, 20 € ?
- On veut un troisième devis ».
J’épuise mon stock de serruriers, je leur dis stop, mais non, ça continue le soir, re-mails.
L’un d’eux a une révélation, il se dit qu’il va prendre les choses en main et diffuse un tableau Excel, façon référendum démocratique. Me revoilà avec mon devis modifié. Je me dis cette fois, c’est la bonne.
Au secours, on a oublié la couleur ! Troisième tour de table,
« - Je veux du noir
- Moi du gris
- Attendez je rajoute une colonne dans le tableau
- Ok, mais satiné alors
- Hors de question, faut du brillant assorti aux portes laquées ». Va pour le brillant…
Ah, mauvaise nouvelle, l’entreprise me dit que c’est pas possible. J’étouffe.
Je leur dis bon, discutez entre vous tranquillement et dites-moi à la fin. Mais non ils me laissent dans la boucle des mels. Laissez-moi sortir !
Après une petite accalmie, je me dis qu’on y est presque, peut-être sont-ils passés à autre chose, cela dit je n’ai toujours pas l’accord, je relance... « Monsieur Frémont pouvez-vous demander à l’entreprise de faire un croquis, on aimerait voir la forme des crosses ».
La quoi ? Eh oui, immeuble ancien, faut de la volute, je n’ose plus appeler mon serrurier (pardon, je m’excuse, c’est encore moi).
Quatrième tour de table, le choix de la crosse, j’ignorais qu’il en existe plusieurs : départ escargot, pigne de pin ou boule de cristal.
Attention, l’enroulement se termine en queue de carpe. Je connaissais la queue de vache, mais pas la carpe.
On veut un enroulement adapté à la longueur. Vous êtes sûrs ?
Eh oui, petite rampe = petite crosse, sinon c’est moche, pardon, c’est disgracieux, par contre c’est plus cher, on dépasse le budget.
J’ai peur.
Je renvoie le devis, version 6.
Dites-moi oui, un tout petit oui. Alléluia ! Reste plus qu’à la poser, j’en tremble déjà.
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Juin 2022
Copropriété : Coup de feu en cuisine
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : Coup de feu en cuisineChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Je fais mille choses à la fois. Le coup de feu, c’est quand l’heure a sonné et qu’il faut livrer la marchandise, quand on ne peut plus tergiverser, quand tout s’accélère et se met au diapason, à la suite d’exercices mille fois répétés, entre organisation drastique et touche d’improvisation.
Le bureau court dans tous les sens, ça parle, ça s’accroche, la tension monte.
Comment vais-je faire pour tout finir, jamais je n’y arriverai c’est impossible, il me faudrait deux fois plus de temps.
Quoiqu’il arrive tout sera prêt à l’heure, j’en fais un point d’honneur. Le rendu final sera parfait.
Le coup de feu pour le syndic, c’est de février à avril. Trois longs mois d’intensité extrême à la sortie de l’hiver où je ne vois plus le jour, où tout s’entrechoque. Tout contrôler, tout gérer, sortie de route interdite, café au litre, mieux vaut bien dormir, manger léger et respirer.
Le marathon de la copropriété, c’est du haut niveau. Mes journées sont tirées au cordeau, la mécanique est bien huilée, l’équipage est sur le pont. Je carbure. C’est parti…
9h, j’attaque avec les ordres du jour, j’ai ma trame, résolutions travaux, résolutions procédures, j’y mets du style, cinquante convocations à rédiger ce n’est pas de la rigolade, une par jour, le matin à la fraîche quand mon cerveau est éveillé…
10h, je passe aux clôtures de comptes, mon comptable est au taquet. Il les empile sur mon bureau, je pointe, le nez collé dans le papier, factures, imputations, répartitions, tva et libellés, le fonds travaux est à sec, annexes 1 à 5, je passe au peigne fin, je valide, coup d’œil au budget, ligne par ligne avec la règle, j’analyse, j’ajuste, je les aime ronds et pas trop serrés, syndic bon père de famille je vois large. Je checke mes mels entre deux. Tiens, un peu de courrier, une réclamation manuscrite, pattes de mouche à l’ancienne au moins c’est bien formulé…
11h, ça sonne à la porte, voilà le conseil syndical qui vient vérifier les comptes, je les avais oublié : « - Monsieur Frémont, on est venu à plusieurs, tenez, la note de taxi, vous mettrez ça en frais divers - On veut aussi vous parler de l’assemblée - Pourquoi, il y a un problème ? - Je deviens parano… ».
14h, j’avale une salade, pas le temps de roupiller, les convocations partent à la chaîne… Mince, il manque un devis, je passe un coup de fil à l’entreprise : « - Il me le faut maintenant vous comprenez, pas dans deux heures, maintenant ! - Désolé si je parle fort, je suis un peu tendu en ce moment ». Le facteur ne va pas tarder, mon assistante est sur la brèche, je compte sur mes doigts, vingt-un jours, je suis limite, pas de panique.
16h, je checke mes mels, soixante dans la boîte, j’ai des vertiges, pas le moment de flancher, je les prends un par un « - Monsieur Frémont combien je vous dois ? - J’ai perdu mon badge je peux en avoir un autre ? - Mon voisin fait du bruit ! - J’ai une grosse fuite dans mon salon ! - Je peux boxer mon parking ? - C’est quand la prochaine AG ? » Allez bim-bam-boum, je mitraille en une heure j’ai tout plié, pas le temps d’épiloguer.
17h, je démarre mon AG, la cinquième de la semaine, je suis dans le dur, grimpeur maillot à pois, je préfère les enchaîner, après je suis débarrassé, les beaux jours ce sera terrasse ensoleillée, brochettes et rosé.
20h, c’est terminé, au revoir messieurs dames, je checke mes mels, encore vingt, c’est sans fin, j’en traite deux-trois, histoire de nettoyer, le reste on verra demain, mon cerveau ne répond plus, l’esprit est embué, je rentre, je dors, je repars demain.
Allez, ça ira mieux au mois de juillet.
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Mai 2022
Copropriété : Ma galaxie syndic
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : Ma galaxie syndicChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Je suis syndic de copropriété.
Savoir gérer, c’est savoir s’entourer. À ma droite, je vous présente mes copropriétaires. À ma gauche, mes entreprises.
Je suis syndic de copropriété, avec vue d’ensemble en bas sur le tarmac, en haut dans la cabine de pilotage. Je suis partout : dépositaire des doléances et donneur d’ordre. Pivot central et chef d’orchestre, tout passe par moi.
Mais seul, je ne suis rien. Je ne suis que le maillon d’une chaîne, une chaîne humaine pétrie de talents et de savoir-faire.
Bienvenue dans ma galaxie syndic.
Voici les entreprises enregistrées dans mes favoris. On vit ensemble.
Mon plombier… premier de la liste dans le répertoire. Je l’appelle plus souvent que ma femme. Pour les recherches de fuite, ma routine : joints fibre ou silicone, fontes entartrées, pompe à dégorger, lingettes, couches, brosses à dents. N’en jetez plus ! Dans certaines résidences, il vit à demeure et fait la bise au président.
Mon serrurier… je lui envoie des textos toute la journée : grooms à huiler, douilles à changer, vitres cassées, canons vandalisés, bips déprogrammés, clés à distribuer. Racks à vélos : j’ouvre une fabrique et je fais fortune. Mon courtier… pour les dégâts des eaux déclarés dix fois par jour. Imbroglio des conventions d’assureurs. Savent-ils eux-mêmes où ils en sont ? Telle est la question.
Mon peintre… mains blanchies, tee-shirt extra large, il vient après le dégât des eaux et m’accompagne parfois à l’expertise. Il défend son chiffrage et parlemente avec l’expert. « Dis donc, vous êtes cher au m2 ? - C’est normal, c’est forfait petite surface - Ah d’accord ». Il préfère quand même les ravalements que l’on refait tous les trente ans, et les cages d’escaliers, tous les quinze ans.
Mon cordiste… Il a détrôné le couvreur. Tous corps d’état, il est jeune, beau et sportif, son ouvrier est freelance, car il est d’abord montagnard, surfeur et alpiniste. Il prend plein de jolies photos, j’adore ses rapports. « Non Madame, ce n’est pas une infiltration, c’est de la condensation, regardez les champignons ». Le cordiste est aimable, c’est le gendre idéal.
Mon architecte… le mien porte le même trench-coat marron depuis vingt ans. Il vient pour les grandes opérations ou les petites occasions : fissures, effondrements de plafonds, désordres complexes et pathologies rares. « Docteur, mon immeuble est malade, voici les symptômes, prodiguez-nous le remède et faites-moi l’ordonnance ».
Mon avocat… mon monsieur “recouvrement de charges”. Il dégaine les mises en demeure plus vite que son ombre pour les petits écarts des copropriétaires, le coup de massue dans le mur porteur, les canisses bambous au balcon, la petite location touristique ni vue ni connue. L’avocat a un beau costume, une cravate saillante et des chaussures à bout pointu. Élégant et distingué, je l’appelle mon cher Maître.
Et puis il y a tous les autres, pas loin des favoris, assurément dans le top 50. Mon menuisier, mon métallier, mon électricien, mon thermicien, mon étancheur, mon carreleur, mon miroitier et mon agent de sécurité, le SAV du promoteur. Je n’oublie pas mon chauffagiste, mes fumistes et puis mon ascensoriste, quand je l’appelle c’est que j’ai un problème… Mon diagnostiqueur et mon dératiseur, avec son raticide écolo et inoffensif, mon généalogiste et mon épaviste. Il y a aussi mon géomètre, ses plans colorés et ses beaux tableaux. Enfin, j’ai trouvé mon notaire, il rédige tous mes modificatifs avec aisance et diligence…celui-là, je le garde à vie. Une étoile de plus dans ma galaxie.
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Avril 2022
Copropriété : Le mauvais payeur
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : Le mauvais payeurChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Avant de lancer les grandes manœuvres d’une procédure judiciaire en recouvrement de charges, avant de dilapider l’argent du syndicat en frais d’avocats, huissiers et autres honoraires « syndic », s’impose d’abord une longue phase de recouvrement amiable. C’est la partie immergée de l’iceberg, le travail de l’ombre du syndic percepteur. La phase amiable est souvent couronnée de succès. Mais à quel prix ? Avant la belliqueuse assignation et la mise en branle de la justice, le syndic tentera un dernier coup de fil. L’appel de la dernière chance par acquis de conscience.
Il y a le mauvais payeur « distrait », le tête-en-l’air, toujours le même. Il a la phobie administrative. Dilettante, il néglige ses affaires. Il se dit qu’après tout, les autres vont payer, la communauté bienfaitrice. Il y a bien de l’argent qui dort quelque part, un fonds travaux ou un fond de caisse. Il dit avoir bien reçu votre lettre de mise en demeure, ce qui le chagrine d’ailleurs, mais prétend ne pas avoir reçu votre appel de fonds envoyé en lettre simple. Pourtant, c’était bien à la même adresse. La faute du facteur sans doute. Il demande aimablement si vous pouvez lui annuler les frais de relance. Allez, va pour cette fois. Il finira par vous payer, mais jamais la totalité, car il préfère les chiffres ronds et laisser subsister un reliquat. Être à jour lui est impossible. Le mauvais payeur distrait est sympathique.
Il y a le mauvais payeur « invétéré ». Celui qui trouve toujours quelque chose à redire, qui détecte la petite faille dans votre gestion. Il est la mauvaise foi caractérisée. Il arrive parfois à vous faire douter, car il est calme, écrit bien, s’exprime bien, plaide sa cause avec véhémence et contre-attaque. Il interprète le règlement de copropriété à sa guise et vous cite la partie de jurisprudence qui l’intéresse. Il refait tous vos calculs à sa manière et brouille les pistes. Oui car, en fin de compte, c’est vous le fautif. Il arrive à vous faire croire que vos comptes sont erronés et que vous devez les rectifier sur le champ sinon vous en pâtiriez. Le mauvais payeur invétéré est redoutable.
Il y a le mauvais payeur « malchanceux ». Celui à qui il arrive toujours une tuile et vous raconte ses malheurs dans le détail. Il n’est pas méchant, il fait juste pleurer dans les chaumières, parce que vous comprenez, son dernier dégât des eaux, ça lui a coûté cher. Il a perdu tous ses papiers dans l’inondation, son banquier lui fait des misères et sa femme a demandé le divorce. Certes, mais c’était il y a deux ans. Le coup d’avant, il était victime d’un cambriolage ; il bataillait encore avec son assurance. Je suis vraiment à sec vous comprenez. Ah bon ? Pourtant, vous étiez au ski la semaine dernière, vous avez encore la marque du bronzage. Les excuses sont inventives et bien ficelées, il aurait pu faire romancier ou dialoguiste. Il arrive parfois, à vous attendrir, voire à vous faire culpabiliser. Il finira par payer après huit mois de retard et dix relances téléphoniques, mais vous collera quand même un petit post-it sur le chèque histoire de râler une dernière fois. Le mauvais payeur malchanceux est chronophage.
Heureusement, il y a aussi les bons payeurs, ceux dont on ne parle pas. Le bon payeur paye « rubis sur l’ongle ». Mieux encore, il est en prélèvement automatique. Il n’a jamais de soucis, d’ailleurs il n’appelle jamais son syndic. Le bon et le mauvais payeur vivent sous le même toit, mais pas dans le même monde.
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Mars 2022
Copropriété : Mes 12 règles d’or en AG
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : Mes 12 règles d’or en AGChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
A chacun sa manière. L’assemblée générale est sans doute l’exercice le plus délicat dans mon métier, le plus périlleux, et sans doute le plus admiré. Que l’on soit débutant ou confirmé, novice ou aguerri, le trac de l’artiste avant de monter sur scène vous traverse à chaque fois. L’adrénaline qui rend accro les gestionnaires de copropriété, est aussi, parfois, ce qui les fait exploser en pleine lumière. Tôt le matin ou tard le soir, les palpitations et le sentiment de solitude vous saisissent dès lors que vous contemplez cette salle vide, sans filet, quelques minutes avant l’inéluctable entrée du public. L’assemblée générale, épreuve redoutable et magique, ne vous laissera jamais indifférent.
L’art et la manière de conduire une assemblée ne s’apprennent pas à l’école. La rhétorique, non plus. C’est dans le chaudron que l’on découvre les comportements du groupe, que l’on observe les traits de caractère des personnages et que l’on retient de ses erreurs. C’est en forgeant qu’on devient forgeron, et c’est en tenant des assemblées générales que l’on devient syndic. Les coups, les regards, les attitudes, les mimiques, les intuitions et même les mercis, tous les détails ont leur importance. Et l’on constate que les mêmes ressorts, les mêmes réflexes, les mêmes discussions, se répètent à l’infini. Et le syndic comme un pilote, d’engranger les heures de vol, de s’affirmer davantage. Malgré l’expérience, me voilà toujours sur le qui-vive. On se fait un sang d’encre, pourtant l’assemblée se passe finalement merveilleusement bien. En revanche, quand on y va trop confiant et relâché, on se fait cueillir et ça fait mal, très mal. Instinct de survie. Restez concentré.
A chacun son style, à chacun ses astuces. Voici donc mes 12 règles d’or en assemblée générale, mon kit de voyage pour les hautes altitudes :
1- Soignez l’accueil pendant l’émargement de la feuille de présence. Profitez des signatures en tête-à-tête pour sympathiser ;
2- Faites venir le président et le scrutateur au bureau, à vos côtés. Entourez-vous, après tout c’est la loi ;
3- Souhaitez la bienvenue à tout le monde et indiquez une heure de fin. Balisez le terrain ;
4- Laissez chaque personne s’exprimer sans couper la parole, et passez au vote à la première redite. Respectez la contradiction ;
5- Laissez environ cinq minutes par résolution. Tenez la cadence, c’est vous le professionnel ;
6- Invitez le président à introduire le débat pour l’approbation des comptes qu’il a contrôlé, ou la présentation d’un projet de travaux qu’il a souhaité. Structurez la délibération ;
7- Si vous n’avez pas la réponse à une question, proposez de donner l’information par mel le lendemain. On a le droit de ne pas tout savoir ;
8- Ne répondez pas aux provocations, ne vous laissez pas entraîner dans un duel. Maîtrisez vos émotions et changez de sujet ;
9- Recadrez fermement mais poliment en cas de propos irrespectueux ;
10- Parlez distinctement, la voix claire, faites-vous confiance ;
11- Faites tourner l’imprimante et sortez le PV, ça veut dire que c’est fini ;
12- La dernière… Souriez, ce n’est qu’une AG.
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Janvier - Février 2022
Copropriété : À mes débuts…
par Gilles Frémont, Directeur de copropriété
Copropriété : À mes débuts…Chronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
La tête dans le guidon et le nez dans les étoiles. Les années passent à une vitesse folle, on ne s’ennuie jamais dans notre métier. Une saison d’AG à peine terminée, voilà déjà la nouvelle. Je suis syndic, je n’ai pas le temps de me retourner, toujours dans l’action, toujours dans l’urgence. Il est pourtant précieux de prendre du recul parfois. Se souvenir du passé, c’est bon pour la mémoire. Les visages vous reviennent, on se laisse porter. Rétrospective.
À mes débuts, je tapais beaucoup de courriers, j’écrivais des lettres bien tournées, il m’arrivait de les dicter, je collais mes enveloppes et remplissais le classeur des recommandés, une fiche par copropriété. À mes débuts, le téléphone sonnait toute la journée, je passais des heures à expliquer, et me faisais houspiller, cela, ça n’a pas vraiment changé. Je tapais le 12 pour les coordonnées des copropriétaires volatilisés, j’allais au fax comme on va à la machine à café. À mes débuts, on faisait la queue à l’ordinateur connecté, pour imprimer ses courriers électroniques (pardon ses mails) ; il n’y en avait qu’un par jour, ça n’a pas duré longtemps… si j’avais su.
À mes débuts, on parlait loi SRU, adaptation des règlements de copropriété. Tiens, l’histoire se met à bégayer. Des officines avaient poussé, puis se sont en allées, moi je suis resté, avec mes vieux papiers, heureusement j’ai tout scanné. À mes débuts, on parlait souvent comptabilité, compte global et produits financiers, prorata temporis pour les charges à payer, on n’avait pas le pré-état-daté, mon contrat tenait sur deux feuillets, mandant, mandataire, durée, prix, travaux… terminé ; il était libre comme l’air, moi aussi. On pouvait discuter.
À mes débuts, on parlait ascenseur et sécurité, audit, puis plan, puis travaux. Audit, plan, travaux… Tiens, ça me rappelle quelque chose. À mes débuts, on vendait les parties communes pour un euro, couloir, wc, combles à aménager. Maintenant on ne se fait plus de cadeaux. Vous voulez le palier ? Payez-le plein pot. À mes débuts, les assemblées commençaient la nuit tombée, après le souper, les présidents étaient grandiloquents, parfois endimanchés, moi je tremblais d’anxiété, dans mon bureau avant l’AG, je fumais la cigarette du condamné, le cendrier en presse-papiers. La photocopieuse tournait toute la journée, comme à l’usine de février à janvier, bourrages à volonté.
À mes débuts, les paraboles fleurissaient sur les façades, on enchaînait les référés, l’antenne passait en TNT, on se battait avec Numéricâble® pour la télé, qui a d’ailleurs laissé là tous ses boîtiers, un jour faudra venir les récupérer. Ravalement I4, moquette dans l’escalier. La gardienne distribuait le courrier, et changeait les étiquettes du parlophone (pardon l’interphone), moi, je ne m’occupais pas encore des badges d’accès, ni des pass PTT.
À mes débuts, je lisais déjà des méchancetés sur mon métier, dans les journaux ou les revues spécialisées, je n’avais pas le temps de m’en préoccuper, mais au fond de moi, c’est resté. À mes débuts, ma patronne m’a dit de me débrouiller, mon assistante m’a beaucoup aidé, certains présidents m’ont épaulé, d’autres m’ont enfoncé. L’essentiel est d’être toujours là à l’arrivée, heureux et motivé. Quelques figures sont encore là, un peu marquées comme moi, ensemble on a tout traversé. Finalement tout ceci n’est pas si vieux, une époque parmi tant d’autres, je suis loin d’être le plus âgé. J’apprends toujours de mes ainés, leur savoir est sacré. Peut-être un jour je transmettrai à mon tour, toutes ces richesses du métier et ses contours, aux derniers-nés, les futurs syndics de copropriété.
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Décembre 2021
Copropriété : Le suppléant
par Gilles Frémont
Copropriété : Le suppléantChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
« Monsieur Frémont, je voulais vous signaler que j’ai eu une altercation avec Monsieur Brune. Il a contesté ma participation au conseil syndical, m’a traité de petit suppléant... et m’a enfermé dans la cave ».
On a tendance à l’oublier, mais le suppléant joue un rôle important dans l’organigramme de la copropriété. Il est un remplaçant certes, mais démocratiquement élu, assis sur le banc de touche, il attend son tour. « Les suppléants siègent au conseil syndical, à mesure des vacances, dans l’ordre de leur élection s’il y en a plusieurs, et jusqu’à la date d’expiration du mandat du membre titulaire qu’ils remplacent ». Les mauvaises langues diront que le suppléant est un bouche-trou. En vrai, il est plutôt un substitut, un réserviste, un agent dormant. Néanmoins, on peut comprendre une certaine frustration de la fonction, voire pour certains, ressentir un complexe. Mais n’est pas doublure qui veut. Ici, le suppléant, c’est Monsieur Riton, sec comme une trique. J’étais passé une fois chez Monsieur Riton, alpagué à la fin d’une visite. Ça sentait l’ammoniaque et la sciure de chat, chimiste à ses heures perdues. La porte blindée avec son boudin empoussiéré se refermait dangereusement derrière vous. La décoration était minimaliste, une assiette porcelaine clouée au mur, une collection de figurines en plâtre, le sapin de noël en plastique et la crèche en carton dans un coin du salon. Quelques papiers traînaient sur le buffet, j’avais reconnu mon appel de fonds. Je ne me sentais pas à mon aise. Au bureau, Monsieur Riton nous appelait tous les jours, abonnés aux recommandés, et quand il débarquait à l’improviste, on tirait à la courte-paille pour savoir qui allait s’y coller. Il est vrai que ses voisins ne l’aimaient pas trop. Plutôt austère, il mettait son nez partout. Certains l’appelaient le corbeau, d’autres, la fouine. Les affiches anonymes dans les parties communes, tout le monde savait que c’était lui. Si vous aviez le malheur d’organiser une fête d’anniversaire le samedi soir avec quelques amis, il vous envoyait la police à minuit pétante, et vous dénonçait au syndic le lundi à la première heure : bonne semaine Monsieur Frémont. J’avais même le droit aux photos.Toujours mieux que le jus de poubelle, ça c’était pour la société de ménage le mardi. Et ne laissez pas traîner la poussette du bambin dans le couloir, vous la retrouverez à la benne trois jours plus tard. Oui, Monsieur Riton était quelque peu redresseur de torts...
Les sobriquets n’étaient pas très sympathiques, mais Monsieur Riton suscitait clairement l’hostilité. L’ambiance en assemblée générale n’était pas à la fête, et les voir s’entretuer en réunion était toujours un moment de répit, pour une fois que l’opprobre n’était pas jeté sur le syndic.
Mais au fond, les moqueries et toutes ces petites méchancetés qui l’accablaient étaient un peu injustes, car le suppléant était finalement... le seul à s’occuper de l’immeuble. Il était le seul à se soucier des parties communes, quand tous les autres ne s’intéressaient qu’à leur petit appartement. Il avait été président pendant longtemps, et voulait passer le relais. Mais jamais personne ne se manifesta, les regards se baissaient. Le bénévolat n’était pas chose convoitée en copropriété. Désillusion et amertume, peut-être renfermait-il beaucoup de rancœur. Sans successeur, il resta vingt-cinq ans à donner son temps. Le suppléant était pénible, mais il était généreux.
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Novembre 2021
Copropriété : La réception de chantier
par Gilles Frémont
Copropriété : La réception de chantierChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
C’est un immeuble dans le style Henry IV, un ouvrage intouchable. Le genre d’immeuble où les fourches caudines des Architectes des bâtiments de France (ABF), vous clouent au pilori si votre projet n’est pas suffisamment à leur goût.
Avec les ABF, on n’innove point, on remonte le temps, et l’on revient au sacré. Avec les ABF, on ne discute point. C’est un immeuble où l’erreur est interdite, et les copropriétaires qui y habitent, ne vous font aucun cadeau.
Nous sommes dans le beau patrimoine, le grand patrimoine.
Et ce jour-là, je réceptionnais mon ravalement, avec Jean-Claude.
«Salut Jean-Claude, tu vas bien ?».
Jean-Claude est un gars du bâtiment, un dur à cuire, les mains calleuses, endurcies par les années de métier. Il avait commencé pierreux à 16 ans. Il a passé sa vie dehors, sur les chantiers, insensible au froid, insensible à la pluie. Son refuge entre deux rendez-vous, c’était le troquet du coin. Je te paye un café ? C’était sa phrase préférée quand on descendait de l’échafaudage. Vous étiez obligé de lui dire oui. C’est sur le zinc qu’on traite les affaires, la petite tasse brûlante qui vous réchauffe le bout des doigts l’hiver. Jean-Claude était un super ravaleur, un anxieux du détail, encore plus pointilleux que les fonctionnaires de l’urbanisme, un intraitable de la finition.
Mais “quand ça veut pas, ça veut pas”. Appelez ça comme vous voulez, la scoumoune, la poisse ou le chat noir… cette fois, tout a dérapé. Oh je ne parle pas de ces travaux supplémentaires à 50 000 euros pour les pans de bois, c’est du classique. Je ne parle pas non plus de ces conduits en amiante pour lesquels le coordonnateur SPS nous a fait une jaunisse [sécurité et de protection de la santé, ndlr]. Et je ne parle pas non plus des trous de massue dans la salle bains de la propriétaire du 4e. Non, tout cela c’est du menu fretin. Je parle de la réception, le jour J où vous avez prévenu vos copropriétaires que vous veniez, le moment de vérité que les anciens appellent encore…la recette : «Salut Jean-Claude, il est où l’échafaudage ? Quel échafaudage, on a fini ! Ben non… c’est pas fini. Il y a encore les plastiques sur les bavettes au 4e, les enduits ne sont pas lissés, les fils pendouillent. Et là, t’as oublié le pignon, et la pluviale, c’est toujours la vieille, tu ne devais pas la remplacer, regarde le devis ? Et les gravats, pourquoi ils sont sur le toit ? Je ne comprends pas. Et l’architecte, il est où d’abord ? ». Jean-Claude devient blême : «mais moi non plus je ne comprends pas, mon chef de chantier m’avait dit que tout était ok. Je crois que le sous-traitant nous a planté». Je commence à me sentir mal. Le SPS avait carrément disparu de la circulation. Les ABF ? On va raser les murs. «Écoute Jean-Claude, je ne vais pas y aller par quatre chemins. Tu remontes l’échafaudage, là, maintenant». Et Jean-Claude est reparti sans rien dire, la tête basse, bougon et vexé, et moi de mon côté, très contrarié. Cette fois, on ne s’est pas fait de p’tit café, ni de compte-rendu de chantier.
Trois semaines plus tard, on a remis ça. Le soleil brillait sur la façade. Et ce jour-là, le ravalement était de toute beauté, d’une réalisation parfaite. Je le regardais sans me lasser. Oui, il n’y avait rien à dire, juste à contempler. Ce jour-là, quelques copropriétaires qui passaient par là nous disaient… «Il est beau le ravalement !». Merci Madame. Jean-Claude et moi étions côte à côte, on n’en menait pas large, mais on était contents. Je me suis tourné vers lui : «Jean-Claude, je te paye le café ?»
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Octobre 2021
Copropriété : On a éteint le chauffage
par Gilles Frémont
Copropriété : On a éteint le chauffageChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
En copropriété, il y a des sujets sensibles. Des sujets hautement stratégiques, où le doigté, la finesse et le sang-froid du syndic deviennent une nécessité vitale. Des sujets avec lesquels on ne plaisante pas. La couleur du tapis, la trottinette des enfants sous l’escalier, l’emplacement du rack à vélos (au fond à gauche). Des sujets brûlants, où le moindre détail, comme un demi-degré Celsius, peut dégénérer en psychodrame et se muer en une féroce bataille. Les copropriétaires sont à couteaux tirés.
On a éteint le chauffage. Mon téléphone sonne. C’est Madame Martin, une vieille dame âgée de 95 ans. Madame Martin vivait seule dans son 5 pièces, le mobilier dans son jus des années 30. Elle ne sortait jamais de chez elle, sauf pour le marché aux fleurs du vendredi et les vœux du maire d’arrondissement une fois l’an. Madame Martin est veuve depuis des lustres. Elle est surtout… très frileuse. Je savais déjà de quoi elle allait me parler : « Monsieur le syndic, nous ne sommes que le 15 avril, pourquoi avez-vous éteint le chauffage ? On se les gèle ! ». Doigté et finesse. J’argumente : « Le temps est clément cette année, Madame Martin. Les prévisions sont plutôt favorables, et le président du conseil syndical m’a donné son aval ». Mais Madame Martin en a vu d’autres et ne l’entend pas de cette oreille : « Le président s’en fiche éperdument des personnes âgées, son appartement est plein sud avec triple vitrage, le mien est plein nord sous les toits. Ça fait vingt ans que les copropriétaires refusent de voter l’isolation des combles juste parce que c’est moi. Les jeunes sont incapables de débourser le moindre sou, ils arrivent, ils repartent, tandis que moi je suis là depuis 60 ans ! ». Madame Martin est en forme. Il paraît que le froid ça conserve. Je laisse tourner le disque. « Le président est un radin, il est pris à la gorge dans son 2 pièces crasseux et n’a plus un rond pour payer ses charges. Économiser trois gouttes de fioul, quelle mesquinerie. C’est fini le choc pétrolier. Quant à vos prévisions fumeuses, croyez-en mon expérience, on n’éteint jamais le chauffage avant les Saints de glace. J’ai dû enfiler trois chandails et une paire de mitaines, c’est le pôle Nord ici ! Si vous ne rallumez pas, je ne voterai pas pour vous à la prochaine assemblée générale ! ». Madame Martin me crie dessus, je m’y attendais.
A force, j’ai le cuir épais, ça glisse. Mais au fond, je la comprends un peu. Il est vrai que chez moi les radiateurs sont encore bien chauds. Madame Martin est âgée et isolée. Je compatis. Oui, le syndic est sévère, mais il est juste. Le syndic est dur, mais il a un cœur. Intransigeant, mais emphatique.
« Vous savez Madame Martin, je dois contenter tout le monde et personne n’est d’accord. Entre ceux qui réclament le chauffage le 15 septembre pour le ré-éteindre huit jours plus tard parce que c’est l’été indien, les retraités qui veulent son maintien jusqu’à leur départ en résidence secondaire, les primo-accédants qui exigent son arrêt le plus tôt possible… jusqu’à l’arrivée du premier bébé. L’année dernière, on m’a fait rallumer les chaudières trois fois en l’espace d’un mois. Le chauffagiste craque. Et si j’ai le malheur d’inscrire la température à l’ordre du jour, je crains que nous n’en sortions pas vivants. Ne pouvant faire de résolution à trou, rien que la rédaction du projet me soumettra à de multiples tensions, menaces et tractations. Alors vous voyez, Madame Martin, c’est compliqué ». Madame Martin ne me répond plus. Madame Martin ?
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Septembre 2021
Copropriété : l'AG masquée
par Gilles Frémont
Copropriété : l'AG masquéeChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Ça faisait deux ans qu’ils ne s’étaient pas vus... Et ils étaient franchement contents de se revoir. Je les sentais surexcités et joyeux comme jamais. Déchaînés. C’était la quille. Moi, j’étais sagement assis dans le fauteuil crapaud, costume-cravate, ordinateur sur les genoux, premier de la classe, la feuille allongée sur la table basse en cuir véritable. Le tapis moumoute me remontait sur les chevilles. Notre hôte de la soirée, Thierry, c’était le président du conseil syndical, la cinquantaine, un homme plutôt décontracté. Il avait l’habitude de nous recevoir, ça lui faisait plaisir, les enfants jouaient dans la chambre et passaient une tête de temps en temps. Nous étions tous bien enfoncés dans les canapés, et l’on savait pertinemment que les bouteilles nous attendaient dans le frigidaire. Mais d’abord, l’assemblée générale. Lâchez les chevaux.
« Dis, Robert, le couvre-feu c’est 18h ou 19h ? - J’en sais rien, de toute façon j’ai mon attestation pour la soirée - T’es sûr que c’est un motif ? - Ben, c’est professionnel non ? - Pour le syndic oui, pas pour toi - Écoute Chantal, personne ne dira rien, et puis regarde, on respecte, on n’est pas plus de huit - T’es sûr Robert, la règle c’est pas six ? - Non, tu confonds avec les mètres carrés ». Thierry s’immisce dans le débat : « C’est pas pour les lieux publics les mètres carrés ? - Non juste les ERP - C’est quoi un ERP ? ». L’assemblée n’a toujours pas commencé. « Monsieur le syndic, du coup c’est quoi la règle ? ». Bien, je propose que nous démarrions l’ordre du jour ? « Attends Robert, t’as pas ton masque ! », s’écrit Chantal. « Si, il est dans ma poche, tu veux que je te le prête ? ». Rires gras. L’assemblée n’a toujours pas commencé. « De toute manière j’ai déjà chopé le Covid », dit Robert en se lâchant. « Ah, toi tu dis LE covid ? Moi je dis LA », lui répond Chantal très sérieusement. « Oui, c’est UN virus, pas UNE maladie ». Ça rigole, et vas-y que je tape sur l’épaule. Distanciation. Moi, je ne dis rien, je suis le professionnel en réserve, je n’ai pas le droit de chambrer. J’avoue, je suis content de les voir aussi.
On passe vite sur les comptes : « On vous fait confiance Monsieur Frémont. On vous aime bien, on ne dira rien sur les 3 % ». Laborieux, mais on avance. Résolution 5, seuil de mise en concurrence. Thierry prend la parole : « Au fait Robert, t’as des nouvelles du petit traiteur italien en face ? - Lequel ? - Celui qui a passé sa femme au hachoir - C’était pas sa femme, c’était sa maîtresse. On a retrouvé des traces dans les cannellonis, c’est comme ça qu’il s’est fait gaulé ». Alors, le seuil de mise en concurrence ? 2000 € comme l’année dernière ? Poussif, mais je suis confiant. « Chantal ! Pourquoi tu t’énerves ? », Robert remet le couvert. « Je ne m’énerve pas, mais je ne suis pas d’accord pour un carrelage dans la cour, c’est moche, ça fait bains-douches, je préfère la peinture, j’en ai une garantie quinze ans en Allemagne, avec des paillettes ». Ouf, on parle enfin de l’ordre du jour. « Chantal ! - Quoi ? - T’as ton masque qui pendouille sur l’oreille ». Tout le monde se marre. Chantal devient écarlate. Au bout de deux heures d’ambiance potache et de franche camaraderie, on finit par voter la cour (c’était la seule question à l’ordre du jour). Je leur fais voter un budget et je renvoie au conseil syndical pour le choix du carrelage..… ou de la peinture (je commence à saturer). Mes chers amis, la séance est levée. « Eh ben c’est pas trop tôt. Thierry ! Tu vas chercher les bouteilles ? ». Champagne !
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Juillet - Août 2021
Copropriété : Les bonnes mœurs
par Gilles Frémont
Copropriété : Les bonnes mœursChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
« Monsieur le syndic, nous avons eu la désagréable surprise de retrouver ce matin le hall d’entrée maculé de sang. Il y en avait partout du sol au plafond. Nous déplorons une fois encore le comportement particulièrement licencieux du locataire (ou sous-locataire, on ne sait plus) du rdc droite. Cette dame (ou ce monsieur, on ne sait plus), reçoit toutes les nuits des individus louches. Ça crie, ça tape dans les murs. Le local poubelles est jonché d’immondices, les préservatifs bouchent le siphon. Alors que nous avons désactivé le digicode, cette personne jette à ses visiteurs par la fenêtre, le vigik enroulé dans une chaussette en boule. Ce petit manège est bien huilé. Cette maison est devenue un lupanar. Par conséquent, nous vous mettons en demeure de faire cesser immédiatement cette situation chaotique qui n’a que trop duré. Il en va de votre responsabilité.
LE CONSEIL SYNDICAL.
PS : merci d’imputer la facture de nettoyage au propriétaire ».
Bien… Il ne manque plus que le fouet. Par quel bout vais-je prendre le dossier ? Sur quel fondement attaquer ? Quelle solution pratique et pas chère leur proposer ? Évitons la consultation d’avocat, ils refuseront de payer la note. La police ? Premier réflexe, mais elle n’aime que les flagrants délits. On oublie. Une lettre au commissaire avec pétition des habitants ? Bonne idée, mais personne ne voudra la signer. Peine perdue. Une caméra dans l’entrée ? Astucieux, mais pas sûr que l’on distingue les visages, et le délit n’a pas vraiment lieu devant le tableau d’affichage. Le trouble du voisinage ? Classique, mais il me faudra des preuves et prendre sur le vif, à moins que l’huissier n’accepte de se dévouer ? Trop fragile. Tenter la conciliation ? Pourquoi pas, mais ça va tourner au vinaigre dans le bureau du conciliateur. Trop risqué. La violation du règlement de copropriété ? Chapitre destination-occupation : « les appartements devront être occupés par des personnes de bonne vie et mœurs ». Pertinent, mais il me faut un mandat voté en assemblée générale, et à ce qui paraît, le propriétaire est complice. Non, la réunion va dégénérer. La sacro-sainte loi de 1965, article 9 et la jouissance paisible ? Intéressant, mais l’adversaire va jouer sur les mots. Trop léger. L’action oblique pour résilier le bail du locataire ? Pas mal, mais d’ici l’expulsion, tout le monde sera mort. Trop long...
Je réfléchis : obligation de moyen, pas de résultat. D’accord, mais il faudrait quand même se débarrasser de cette sale affaire. Sinon c’est moi qui vais sauter. Pardon. Je vais déjà faire un petit courrier au propriétaire, peser mes mots et conjuguer au conditionnel. Je vous saurais gré de bien vouloir. Délicat. Il dira que j’accuse sans vérifier. Dans tous les cas, je suis tricard. Allez-y Monsieur le syndic, on vous regarde.
Au début on se demande ce qu’on fait là.
Après, on souffre et on s’endurcit.
A la fin, si on est toujours là, on est invincible,... inébranlable.
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Juin 2021
Copropriété : Une pluie de mails
par Gilles Frémont
Copropriété : Une pluie de mailsChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Ils arrivent toutes les deux minutes trente-cinq secondes, montre en main. Tel un petit sablier qui s’égrène inexorablement, une trotteuse qui fait tic-tac-tic-tac toute la journée, sans discontinuité. Oui, je compte les minutes qui séparent les mails entrants. J’ai un nouveau métier : tapeur de mails.
Que je les tape comme un forcené sur mon clavier, ou que je les dicte à Siri qui est devenu mon meilleur ami, mon secrétaire particulier, me voilà chaque matin happé dans le tourbillon infernal des mails, inoxydables, infatigables, increvables. J’écope du matin au soir, j’ai peur que le fleuve déborde ; peur d’en perdre une goutte ; peur de perdre le fil ; peur de fermer la petite fenêtre en bas de l’écran ; peur de partir en vacances.
Combien seront-ils à mon retour de déjeuner ? Le lundi matin, ils sont là, ils m’attendent de pied ferme, gonflés à bloc, remontés comme jamais et impatients d’en découdre. Je les sens avec leurs petites mains crochues m’attirer dans les flammes de l’enfer. Le dimanche soir, ce n’est plus un coup de blues, c’est carrément l’angoisse. Attention, j’appuie sur le bouton ouvrir. Ouch ! Je me prends une vague, un torrent, une tornade, je m’accroche à la rive pour ne pas me noyer, l’instinct de survie. Seul face à la locomotive lancée pleine balle, je suis un guerrier. Non, vous ne passerez pas !
Ma journée est une course contre la montre, je vis dans ma bulle Outlook. Ce soir, ma boîte sera vide, propre, nettoyée, inbox zero, je me le suis juré. C’est un défi permanent, une mission, une quête. Je suis devenu expert de la messagerie, docteur ès courriers électroniques, champion du Cci [Copie carbone invisible - ndlr]. Mes réponses sont de plus en courtes, bref pour tenir la cadence : «Ok c’est noté» ; «Bien reçu je m’en occupe» ; «Parfait je vous remercie». Moins on en dit, mieux c’est, si je renvoie la balle, je me prends un revers du droit, un uppercut. J’esquive les piques, je zappe les polémiques. Parfois je recadre ; parfois je vois rouge ; parfois je ne comprends rien. Souvent, je prends sur moi. Souvent, je rappelle.
J’aime les mails qui disent juste «merci», même si ça en fait un de plus dans la charrette. Quand c’est un spam [courriel indésirable ou pourriel - ndlr], me voilà, soulagé. Je suis affable avec les gentils, sévère avec les méchants. Je “checke” mes mails vite fait, toujours, tout le temps, dans le train du matin avant de débarquer, sur le deux-roues avant de démarrer, au feu rouge si c’est long, en rendez-vous si ça traîne, en AG si je m’ennuie : «Monsieur Frémont qu’est-ce que vous en pensez ? - Pardon vous disiez ?».
C’est mon fil à la patte, ma drogue, ma maîtresse, je n’en veux plus mais j’y reviens encore. Maintenant, je fais des jaloux, les textos me titillent, les notifications m’excitent, les applis miracles m’éblouissent. Et le petit robot du registre qui vient me réveiller au milieu de la nuit. Donnez-moi de vrais clients, qu’ils rentrent sans frapper. C’est grave docteur ?
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Mai 2021
Copropriété : La boîte aux lettres était trop haute
par Romain DUTRIEUX et Gilles FREMONT
Copropriété : La boîte aux lettres était trop hauteChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Ce vendredi matin, je me délectais d’avoir passé une semaine agréable, un déjeuner-terrasse-rayon-de-soleil m’attendait, un silence inhabituel régnait dans l’agence. J’étais particulièrement confiant, et même la fuite du vendredi n’avait aucune chance de me contrarier. Rien ne pouvait m’atteindre, j’étais serein... jusqu’à ce que mon collègue déboule dans le bureau : «- Chef, on a un problème - Ah ? - Sur la tour 2, le gardien, la gardienne et le technicien sont enfermés dans la loge, un locataire les menace avec une barre de fer. On fait quoi ? »
Ok. Je laisse passer un petit silence (ça fait celui qui est sage et qui réfléchit), mais en vrai je n’en sais rien du tout. «- Dis-leur d’appeler la police et, on va peut-être y aller ? - Tu es sûr ? - On est syndics, on va dialoguer». Arrivé sur site, j’aperçois les gardiens dans le hall d’entrée. «- Ben ! Je vous croyais séquestrée Madame Rodriguez ? - Oui mais le malfaiteur s’est enfuit à l’arrivée de la police».
Je tente alors de la rassurer, je suis syndic, je sais y faire : «- Alors Madame Rodriguez, comme ça on s’enferme dans la loge avec son mari et le technicien le jour de son anniversaire ?». Je taquine, mais la blague tombe à l’eau. «- Bon, dites-moi, pourquoi vous a-t-il menacé ? - C’est à cause des nouvelles boîtes aux lettres, celle qui a été attribuée à son propriétaire est trop haute, et la femme de Monsieur ne mesure qu’ 1m 50 ; de plus elle est enceinte - Ah, c’est pour ça ? - Oui, et donc Monsieur est venu demander des explications à mon mari ; la conversation a dégénéré ; il a dit qu’il allait nous casser les dents et que ça ne le dérangeait pas de retourner en prison. Il était furieux ; il criait très fort, avec un accent croate, on a eu très peur, pourtant à travers la porte on lui a bien dit que c’était le syndic qui avait choisi les boîtes, on lui a même donné votre nom - Oh c’est gentil il ne fallait pas - Il passera vous voir à l’agence».
Mon délicieux vendredi s’assombrissait. Vaillant mais un peu fébrile, je m’apprêtais à retourner à mon véhicule, lorsque je vois l’individu revenir. Baraqué, tatoué, débardeur en haut, jogging en bas, mocassins. La police est partie. De loin, il m’interpelle : «Monsieur le syndic ! - Oui c’est moi». Il s’approche : «Je voulais vous expliquer, et désolé pour les placards cassés dans le hall d’entrée ; j’étais un peu énervé ; je les remplacerai demain, mon cousin a une société - Monsieur je comprends, mais on ne peut pas se comporter ainsi - Oui je sais pardon ; je vais reprendre rendez-vous avec mon psychiatre, mais sachez que je n’ai jamais menacé Madame Rodriguez ; jamais je ne toucherai à un cheveu d’une dame, parole de Géorgien». Me voilà rassuré, je lui fais une dernière petite remontrance avant de remonter dans ma voiture. Mais d’un geste brusque, mon nouvel ami retient la portière et me fixe : «Par contre Monsieur le syndic, on fait comment pour ma boîte aux lettres ?».
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Avril 2021
Copropriété : L'AG bourgeoise
par Gilles Frémont
Copropriété : L'AG bourgeoiseChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Bienséance ne rime pas toujours avec élégance.
Distingué, il arrive, convocation sous le bras, enveloppe fermée. Veste kaki, foulard en soie nouée au col de chemise, la bourgeoisie discrète. Le genre qui vous envoie chaque année sa demande d’inscription le matin de la mise sous pli. Cheveux plaqués en arrière, Monsieur Crap s’approche de la feuille de présence, de son veston il sort un stylo platine, et néglige nonchalamment mon Bic fournisseur posé sur le table : «Ma mère est morte il y a trois ans, mais je la représente».
Allez c’est parti.
C’est une assemblée en présentiel, une vraie de vraie comme on les aime, invectives et intimidations. Je lui fais remarquer qu’il ne présente aucun pouvoir. Lui demander sa carte d’identité serait un outrage. «J’ai une procuration du notaire — A la bonne heure, sans vous offenser Monsieur, pourriez-vous nous la montrer ? — Bien sûr, elle est dans mon téléphone — Certes, est-il possible de la voir si cela ne vous dérange pas ? — Absolument, je vous l’envoie demain — Je comprends, mais l’assemblée générale c’est maintenant, pas demain». On ne verra pas la procuration, le président de séance fait notifier l’incident. Et Monsieur Crap de faire voter les morts. La grande classe. D’après la rumeur, le corps serait resté dix jours dans l’appartement, le temps d’évacuer meubles et chandeliers.
Question suivante : ratification de l’avance de trésorerie pour copropriétaire défaillant, 20 000 €. Oui, Monsieur Crap dans sa splendeur, a décidé de ne plus payer ses charges. Les finances de la copropriété sont exsangues. Le président me consulte: «Monsieur le syndic, nous n’avons pas le choix, c’est bien cela ? — Effectivement, sans cet argent, ce sera la cessation de paiement et l’administration judiciaire, à moins que Monsieur Crap, ici présent, ait la bonté de sortir son chéquier et nous faire un règlement, là, maintenant». Flegmatique, il répond à la saillie. «Ecoutez mon cher ami, la procédure est en cours, laissons les avocats faire leur travail». Sa voisine, excédée et trépignant sur sa chaise finit par l’accrocher : «Cela ne vous gêne pas de nous faire payer vos charges à votre place ? — Madame, ce n’est pas moi qui ait inscrit cette avance à l’ordre du jour». Elle fulmine : «Vous avez de la chance d’habiter avenue Victor, dans d’autres lieux on vous aurait réglé votre compte autrement — Serait-ce une menace Madame ? — Oui, c’en est une».
Je propose que nous passions à la question suivante ? Occupation de la cour. Monsieur Crap gare son véhicule et sollicite un droit de jouissance. Le Président s’énerve: «Cette cour n’est pas un parking, je m’y oppose formellement, et je vous somme de l’enlever sur le champ — Mais qui êtes-vous pour donner des ordres, ma voiture restera là». La tension monte. «Et bien, je vous crèverai les pneus — Et moi, je vous assignerai — Vous n’êtes qu’une ordure !»...
On avait dit bienveillant.
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Mars 2021
Copropriété : Le contrôle des comptes
par Gilles Frémont
Copropriété : Le contrôle des comptesChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Mon poste sonne, c’est mon comptable : «Gilles, c’est bon ! Ils ont terminé. Ils ont quelques questions à te poser».
Cette petite phrase anodine me fait toujours frémir, comme l’impression d’être convoqué chez le juge : que vont ils me demander ?
Les charges URSSAF, ce n’est pas grande passion ; les avoirs EDF, j’ai du mal à suivre ; les compteurs divisionnaires, j’ai jeté l’éponge.
Celui qui est venu vérifier les comptes ce matin, comme chaque année, le même jour à la même heure, c’est Monsieur Pinsec, un ancien limier du fisc à la retraite, tempes grisonnantes, lunettes cul de bouteille et casquette à carreau. Il en a fait tomber plus d’un durant sa longue carrière au ministère ; maintenant il s’occupe de son immeuble, et donc de son syndic. À la grande époque des frais de photocopies, il passait des heures à décompter le nombre de feuilles par copropriétaire qu’on avait envoyées durant l’année ; il recalculait les formules d’indexation du contrat “cafards”. Il pouvait rester toute la journée sans boire ni manger, mon comptable se ramenait un sandwich pour le déjeuner. Monsieur Pinsec ne venait pas seul, il était accompagné de Madame Plantus, silencieuse et docile ; elle acquiesçait, à part lui tourner les pages, je me suis toujours demandé ce qu’elle faisait là.
«Bonjour Pinsec, comment allez-vous ? Tout s’est bien passé ?» ; j’essaye de sympathiser, mais visiblement quelque chose le contrarie. Le relevé général des dépenses est noirci de notes, un bon paquet de factures est en travers du tas, le rapprochement bancaire est chiffonné, je sens que Monsieur Pinsec va me suriner. «Monsieur Frémont, tout s’est bien passé, asseyez-vous je vous en prie». Je prends place à l’autre bout de la table ; je dis à mon comptable de ne pas trop s’éloigner.
«Dites-moi, vous avez acheté combien de badges Vigik ? Il y en a quand même pour 150 € là !» — «Oui mais ne vous inquiétez pas, je vais les revendre un par un et écouler le stock, le syndicat sera remboursé au fur et à mesure, au pire sur deux exercices» — «Autre chose, Monsieur Rama continue de brancher son énorme scooter électrique sur la prise du ménage dans le parking, avec sa rallonge, je vous avais pourtant prévenu ; vous lui avez écrit ? Il a menacé la gardienne, cet individu se croit tout permis. Il est hors de question de lui faire le moindre cadeau. Vous allez donc lui imputer une partie de la consommation des communs, vous n’avez qu’à lui mettre un forfait de 400 €, ça lui fera les pieds» — «Mais Monsieur Pinsec, on ne peut pas se faire justice à soi-même !» — «Oh, vous avez bien une petite clause d’aggravation des charges qui traîne dans le règlement de copropriété ?» — «Certes, mais ce n’est pas comme ça que ça marche». Monsieur Pinsec devient tout rouge ; Madame Plantus ne dit rien. Je crois qu’on a fini. Il est temps de plier les gaules. Je salue mes visiteurs. Et n’oubliez pas d’éteindre la lumière en sortant.
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Janvier - Février 2021
Copropriété : Le vote par correspondance
par Gilles Frémont
Copropriété : Le vote par correspondanceChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
J’ai besoin de sentir l’ambiance de la salle, glaciale, brûlante ou électrique. J’ai besoin d’entendre battre son cœur. Pour convaincre, je dois séduire, émouvoir ; je dois parler avec mon corps, faire passer des messages, communiquer avec mon regard, et laisser venir mon intuition. Pour vivre, et travailler, j’ai besoin de vibrer.
Ils sont tous là, muets, insipides et sans relief. Ils sont là, étalés sur le bureau, inertes, triés par piles de dix, vingt, trente, quarante. Il m’a fallu plusieurs heures pour les ouvrir, les classer, les saisir. Ça tombe bien, j’avais que ça à faire. Saisir, mais d’abord, comprendre. Dans le fourbie des formulaires de vote par correspondance, beaucoup d’entre eux me laissent perplexe. Je vois des votes pour dans la colonne contre, des votes contre dans la colonne pour ; je vois des ratures, des croix, des ronds, du blanc ; je vois des bulletins en photo ; je vois des votes dans des résolutions sans vote. Saisir, mais d’abord déchiffrer, résoudre l’énigme, élucider le mystère.
Que dire de ceux qui me renvoient le formulaire signé mais sans le remplir, ceux qui le remplissent sans le signer, ceux qui cochent une case sur deux, ceux qui cochent plusieurs cases, ceux qui oublient une page, les indifférents qui disent oui partout comme on répond à un questionnaire de satisfaction, les indécis qui s’abstiennent partout, les grincheux qui mettent non partout, les prolixes qui font des petits commentaires partout, au-dessus, au-dessous, à côté, tant qu’il y a de la place, «je vote pour/à-condition-de», «je vote contre/sauf-si», «je m’abstiens-parce-que». STOP ! J’ai mal à la tête.
Ah non, j’oubliais ceux qui me téléphonent pendant qu’ils remplissent le formulaire dans le canapé. Je tiens une AG par copropriétaire : «Monsieur le syndic, je coche quoi pour la désignation du président de séance, et le scrutateur, c’est vide dans l’ordre du jour ? Et sinon comment fait-on pour l’élection du conseil syndical, je peux me présenter ou c’est trop tard ? A la résolution 10, c’est quoi la nourrice ? ». « Au pire, je vous envoie le formulaire et vous le donnerez à quelqu’un ? — Non Monsieur, ce n’est pas un pouvoir, ça c’est l’autre feuille, celle qu’on a mis juste devant. — Ah, d’accord, mais le pouvoir je vous le renvoie quand même ? — Vous faites comme vous voulez Monsieur, vous avez aussi le droit de venir à l’assemblée».
Allez c’est l’heure, je dépouille le fatras de papiers. Tiens, cette résolution-là est déjà “pliée”, on ne changera pas la nourrice, ceux qui viendront seront ravis, circulez y’a rien à voir et merci d’être venus. J’ai des vertiges. La prochaine fois, pourrais-je pré-remplir les formulaires avant de les diffuser ? Mieux, pourrais-je supprimer la colonne contre, et tant qu’on y est, supprimons aussi l’abstention, elle ne sert à rien. Ça y est je déraille, j’angoisse, je vois des formulaires partout.
Vite, venez me cherchez.
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Décembre 2020
Copropriété : Mon immeuble
par Gilles Frémont
Copropriété : Mon immeubleChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Interrogez tous les gestionnaires que vous voudrez, et tous vous diront qu’ils sont arrivés dans le métier par hasard.
Syndic n’est pas une vocation. Pour autant, peut-on avoir des prédispositions ?
J’ai grandi dans un immeuble en copropriété. Un immeuble du baron Haussmann de 3e classe, dans l’alignement de la rue, plutôt basique. Passage cocher, chasse-roues sur les côtés pour les conducteurs malhabiles ou les chevaux rétifs, balcon filant. Un immeuble sans décorations somptuaires, mais de fière allure et solide comme un roc.
Sur chaque petit palier, il y avait quatre portes, et derrière chaque porte, une vie tout entière.
Au 1er étage, je me souviens, vivait une psychiatre, on l’appelait docteur. Elle était toujours aimable et savait y faire avec le voisinage. Quand je la croisais dans l’escalier en rentrant de l’école, son sourire magnanime et sa voix suave ne me laissaient jamais indifférent ; je m’en serais presque allongé sur son divan à l’heure du goûter.
Au 2e, il y avait un sportif de haut niveau, un Ironman. Il s’en allait tôt le matin, vélo sur l’épaule, parcourir le monde, suer sang et eau. Ses voyages me faisaient rêver, un jour il me dit : «Tu sais petit, quand tu vis en collectivité, ça fait du bien de prendre l’air de temps en temps».
Au 4e, vivaient deux sœurs, vieilles filles, téléviseur à fond branché sur les feuilletons américains de l’après-midi. Elles détestaient la gardienne, qui elle-même, il faut bien le dire, en avait fait partir plus d’un.
Tout ce beau monde se retrouvait une fois par an chez le syndic.
Et je voyais mon pauvre père, dépité, revenir des assemblées générales et nous répéter à la table du dîner que cette année encore, l’installation de l’ascenseur avait été reportée.
Nous, justement, nous étions au 6e et dernier étage, dans le toit mansardé, sous le zinc brûlant des jours d’été. Dans la cuisine, un long puits de lumière ouvrait sur le ciel par un petit châssis tabatière. Des heures durant, par la fenêtre, je contemplais les toits du quartier et le clocher à l’horizon. Une vue plongeante sur les fenêtres d’en face m’offrait le loisir d’observer ces silhouettes qui se disputaient, et se réconciliaient, rideaux tirés.
Sur mon palier, vivait un vieux monsieur. Il était seul, et s’adonnait à la lecture. Son entrée, son couloir et son salon étaient recouverts de livres. Ça sentait la cellulose des vieux bouquins. Il me parlait littérature et politique, me racontait la vie de ses héros. Je voyais dans son regard de la nostalgie.
Un soir d’hiver, mon père m’apprit la triste nouvelle, le vieil homme venait de casser sa pipe. Il s’en était allé.
Aujourd’hui, je suis syndic, je vois d’autres immeubles, beaucoup d’immeubles, et quand je rentre dans certains appartements, parfois, des souvenirs me reviennent ; parfois, je ressens encore cette odeur des vieux livres ; c’est ma madeleine de Proust.
C’était mon immeuble.
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Novembre 2020
Copropriété : le revenant
par Gilles Frémont
Copropriété : le revenantChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Il est des histoires étranges en copropriété, je dirais même... inimaginables.
On est gestionnaire ; on se réveille tous les matins comme Monsieur Toulmonde, on part travailler, masque sur le nez, à pied, à vélo ou en métro ; on se dit que pour une fois, on aura peut-être une journée normale, une journée sans rebondissement, sans agitation.
Et puis non.
Ce matin, j’ai reçu un coup de fil ; un coup de fil de la part d’un copropriétaire. Il me rappelait, bien tranquillement, après quinze ans d’absence, quinze longues années d’un silence radio absolu. Pas de son, pas d’image. Le néant. En lui parlant ce matin-là, je croyais entendre un fantôme, je me pinçais. Sans nul doute, je faisais face à un revenant. A vrai dire, je pensais qu’il était mort, mais les accusés de réception de mes convocations d’assemblée générale et autres notifications de PV me revenaient toujours signés. Les autres copropriétaires, intrigués, me demandaient de temps en temps si j’avais des nouvelles ; l’histoire était devenue un mythe dans l’immeuble ; un rituel des questions diverses de fin d’assemblée générale. L’homme mystère. Moi seul l’avait connu. Il était propriétaire d’un petit studio inoccupé, laissé à l’abandon. Je l’avais croisé une fois à mes débuts, lors d’un ravalement délicat ; il avait profité du piochage pour changer ses fenêtres. Ensuite, il avait payé par virement une grosse partie de ses charges longtemps à l’avance, son compte était largement créditeur, je me contentais de surveiller l’évolution de son solde une fois l’an. Il était repassé dans le rouge depuis quelques temps.
«Bonjour Monsieur Frémont, ah c’est toujours vous le gestionnaire, bon tant mieux. Dites-moi, je viens de rentrer de Nouvelle-Zélande, j’ai des problèmes avec mon courrier, j’ai fait un saut à l’immeuble et je viens de voir que mon appartement avait été refait à neuf, par contre je n’ai plus de cuisine ni de fenêtres, et la serrure a été changé. Vous savez ce qui s’est passé ? »
- «Oui Monsieur, l’immeuble a brûlé en 2018, votre appartement au départ du feu a entièrement cramé, il n’y avait plus de murs ni de portes, calcinés, nous l’avons refait en même temps que le reste, payé par l’assurance de l’immeuble. L’affaire a duré deux ans. En revanche, on n’allait peut-être pas non plus vous refaire la cuisine super-équipée et les fenêtres double vitrage. Je vous ai écrit un tas de courriers à l’époque ; je vous ai laissé des messages ; je vous ai envoyé des mails. Vous me confirmez d’ailleurs que c’est la bonne adresse, et le bon numéro.»
- «Ah ok, vous me rassurez, bon ben merci de vous en être occupé en tous cas, c’est sympa»
- «Mais de rien Monsieur, je suis content de vous revoir parmi nous ; toutefois ce qui serait sympa maintenant c’est de payer vos charges, vous devez 4 000 euros»
- «Mais bien sûr ! Je vous fais ça ce soir». Et j’ai raccroché. Si ce métier n’existait pas, il faudrait l’inventer.
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Octobre 2020
Copropriété : Le rooftop
par Gilles Frémont
Copropriété: Le rooftopChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Qui n'a jamais rêvé d'une terrasse privée sur le toit de son immeuble, un petit jardin d'Éden perché, arboré, sol en teck, jacuzzi et vue dégagée sur la Tour Eiffel ? Un luxueux rooftop pour pool party endiablées, disc-jockey, champagne et compagnie ?
Ce matin, je reçois un appel téléphonique de jeunes mariés qui viennent tout juste d'acheter au dernier étage. Des étoiles plein les yeux, ils sortent de chez le notaire. « Bonjour, nous sommes la famille Bellevue, nous voulons faire une extension de notre appartement sur le toit ; il a du potentiel. La famille s'agrandit et ce projet nous tient à cœur ». Pour la petite histoire, je précise qu'il s'agit d'une toiture-terrasse d'environ 100 m2, au 8e étage d'un immeuble cossu de la banlieue ouest. « Quelles sont les démarches Monsieur le syndic ? ». Je connais bien l'endroit, il y a les édicules d'aération et la machinerie ascenseur, les garde-corps sont neufs.
« Bonjour et bienvenue dans la copropriété. Vous devez présenter votre projet à la prochaine assemblée générale, avec des plans d'architecte, une étude de faisabilité d'un BET, un projet de modificatif de l'état descriptif de division par un géomètre-expert pour la création d'un nouveau lot. Vous devrez aussi faire purger le droit de priorité de votre voisin de palier, et surtout, formaliser une offre de prix pour le rachat du droit à construire appartenant au syndicat des copropriétaires. Je vous conseille, dans un premier temps, avant d'engager tous ces frais, de consulter de façon informelle le conseil syndical pour prendre la température, vous verrez ce sont des gens charmants. »
Trois jours plus tard, la présidente du conseil syndical, une femme pêchue qui est là depuis 40 ans, me téléphone. La conversation est brève: « Bonjour Monsieur, le nouveau propriétaire vient de m'appeler, c'était juste pour vous dire que nous n'étions pas d'accord. »
- « Ah, très bien, mais vous le lui avez dit ? »
- « Non, je lui ai répondu que je n'avais pas le temps, que je partais en vacances et qu'on verrait ça plus tard. »
- « D'accord Madame, mais il faudrait peut-être lui dire la vérité non ? »
- « Eh bien, vous le lui direz, vous ? ». La monarchie de la copropriété avait tranché, ce sera niet, sans assemblée générale ni autre forme de procès. Peine perdue pour nos jeunes mariés.
La réalisation de projets individuels en copropriété est un parcours du combattant ; mieux vaut, si l'on ne veut pas voir ses rêves se briser, prendre son bâton de pèlerin et négocier avec les bonnes personnes. Il est conseillé, surtout, de se renseigner avant d'acheter, et de s'enquérir auprès du syndic des rapports de voisinage. Car malgré la surinformation de l'acheteur, il n'existera jamais ni carnet ni diagnostic pour prévenir des relations humaines. Cruelle copropriété, la famille Bellevue n'aura pas son petit coin de paradis, mais elle aura, si cela peut la consoler...un bon syndic.
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Septembre 2020
Copropriété : L'autogestion
par Gilles Frémont
Copropriété: L'autogestionChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
« La précipitation est presque toujours suivi du repentir »
Assis à mon bureau, je les regarde rentrer dans la salle, ces jeunes couples novices, fraîchement propriétaires, sûrs d'eux-mêmes et décidés à vouloir changer le monde. Une copropriété est le reflet de la société ; il y a toujours un meneur, des seconds et une masse, des gentils et des méchants. Les rapports de force et les jeux de pouvoirs se créent naturellement, des clans se forment, des têtes émergent et d'autres tombent. L'immeuble est un microcosme, et au milieu du village, le paratonnerre, le syndic.
L'assemblée générale démarre, l'ordre du jour est assez banal, seule une question détonne : nomination d'un syndic bénévole.
Tiens, quelle drôle d'idée ?
Mes copropriétaires, enivrés par le parfum de la nouveauté, sont convaincus de leur destinée. « Nous avons bien réfléchi et nous avons décidé de faire des économies. On s'est déjà réparti les tâches entre nous ; on en a parlé samedi à l'apéro. Il y a une bonne ambiance dans l'immeuble et nous avons plein de projets en commun, l'aménagement de la cour pour les vélos, un potager, un compost et peut-être des abeilles ; on a une application pour se partager l'appareil à raclette, la tondeuse et la baby-sitter, comme ça chacun pourra proposer son aide et donner son avis. En plus ma femme est juriste donc pas de problème ». Je ne dis rien, j'écoute. « Voilà, vous comprenez, nous voulons une copropriété verte, connectée et conviviale ».
Leur exposé fini, je reprends la parole. « Savez-vous que vous pouvez faire tout cela avec moi ? Et je dirais même mieux, vous pouvez vous consacrer entièrement à ces projets qui vous tiennent à cœur, un récupérateur d'eau, une boîte à lire et un mouton, pendant ce temps-là je m'occuperai des tâches besogneuses, des mauvais payeurs et des refoulements d'égouts. N'y voyez surtout pas une tentative de dissuasion de ma part, mais il me semble que vous faites fausse route, la vie en communauté n'est pas qu'un enchantement. Elle renferme aussi son lot de querelles et de désillusions. Ce que vous économiserez en syndic, vous le perdrez en temps et en énergie. Ce que vous économiserez en syndic, vous le perdrez avec les conseils. Un jour ou l'autre, vous aurez besoin d'un médiateur pour vous séparer du voisin de palier qui vous ruine l'existence. Un jour ou l'autre, vous aurez besoin de vous occuper d'autre chose. Mais vous m'avez l'air convaincus et je ne voudrais pas briser vos rêves, alors tentez l'expérience ».
Le jeune père de famille veut s'imposer et avoir le dernier mot. « Merci pour cette mise en garde mais on sait ce qu'on fait. Tout est déjà organisé, même le planning pour le ménage et la sortie des poubelles que nous ferons d'ailleurs nous-mêmes ». À cet instant une copropriétaire au dernier rang se lève et intervient vertement : « Comment ça le planning pour le ménage ? ». Ça commence mal.
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Juillet - Août 2020
L'incendie
par Marieke de Daran
L'incendieChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Mardi, 21h, l'assemblée générale s'achève sous de timides applaudissements. Les copropriétaires sortent le champagne pour fêter la fin de gros travaux. C'est bon quand ça s'arrête. Séquence cocktail mondain : on se fait des compliments, on se dit merci. On apprécie cet instant de grâce. Mais je suis claquée. J'ai hâte de rentrer chez moi pour un bon dîner, écroulée dans mon canapé.
Sur le chemin du retour, j'aperçois des gyrophares qui balayent la nuit. Police, pompiers, véhicules « Urgence Gaz ». Que se passe-t-il encore ? J'espère qu'il n'y a rien de grave mais plus je m'approche, plus je me dis que c'est pour ma pomme.
Oui, le gestionnaire a une sorte de sixième sens. Un pompier range son matériel, je me gare, bingo : c'est un de mes immeubles !
Incendie volontaire dans un parking, une énorme fumée, des images retransmises sur BFM TV. Je m'approche doucement du capitaine, la flûte de champagne est un souvenir. D'une voix rauque, le capitaine me fait son briefing : « Pas de blessés à déplorer, que des dégâts matériels heureusement. L'électricité a sauté et l'immeuble est plongé dans le noir. Plus de chauffage, plus d'eau non plus. Tout a été coupé par mesure de sécurité, le courant ne sera remis qu'après le passage de l'électricien pour vérifier l'installation. Ah oui j'oubliais, des occupants sont bloqués dans l'ascenseur et on a défoncé la porte du garage ».
Ok, c'est à moi de jouer là maintenant, c'est ça ? Pas le temps de tergiverser, je regarde ma montre. Il est 22h et je dois trouver un électricien. Je dégaine mon téléphone sous l'œil septique du pompier. Ça sonne, mon électricien répond : « Je vous envoie quelqu'un dans 10 minutes ». Je raccroche, l'air serein je regarde le capitaine : « Ça va, il arrive ne vous inquiétez pas, je gère ». Oui, je sais, j'en rajoute un peu. On rentre dans l'immeuble, ça sent fort la suie, tout est noirci, ça pique les yeux, on progresse dans les gravats, lampes de poche... Les tableaux électriques sont indemnes mais ils sont derrière la porte coupe-feu. Evidemment, je n'ai pas la clé. Deuxième coup de fil pour le serrurier qui déboule à son tour. Enfin, troisième coup de fil pour une fuite, le plombier d'astreinte débarque. Il est minuit : les pompiers sont partis, les journalistes aussi. Je rassure les copropriétaires curieux descendus voir les dégâts : « Tout va bien Monsieur, je gère ».
Quelques fenêtres se rallument, la vie reprend son cours, je rentre chez moi, il est 1h du matin. Demain, j'aurai beaucoup de travail, je reviendrai avec l'expert et j'ouvrirai un dossier sinistre. On le refermera dans deux ans, mais d'abord ce soir je vais dormir un peu, avec la satisfaction du devoir accompli, et le petit sentiment d'être un héros.
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Juin 2020
Lettre du grand confinement
par Gilles Frémont
Lettre du grand confinementChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Voilà bientôt deux mois que je ne suis pas sorti de chez moi, et, j'admets, je me suis quelque peu habitué à cette nouvelle vie, mon jardin est beau, on fait des parties de football avec les enfants après le goûter, je connais mes conjugaisons, je travaille doucement mais sûrement, les mails ont fondu du jour au lendemain et se sont recentrés sur l'essentiel, on traite les urgences et l'administratif depuis la tablette, je téléphone à mes présidents de conseils syndicaux, exilés en Normandie, à l'île de Ré ou à Cassis.
Il faut dire que depuis le début du grand confinement, tous mes copropriétaires sont d'une extrême bienveillance - « portez-vous bien, prenez soin de vous et bon courage », comme on se souhaite les bons vœux en janvier - je n'avais jamais vu autant de bonté, autant de compassion, moi aussi j'ai écouté notre Président nous parler de la guerre, j'en avais des frissons partout, la concorde nationale, je voyais des héros partout, mon plombier était un héros, mon dégorgeur était un héros, même le syndic a eu droit à un répit, on s'applaudissait tous les soirs, sur les réseaux je lisais ces philosophes prédicateurs nous annoncer un nouveau monde, quelle époque historique nous vivions !
Le gouvernement nous faisait grâce tous les jours d'une myriade de dates, 12 mars, 24 mai, 24 juin, 10 juillet, 24 juillet, 24 novembre, 24 janvier - et encore on ne sait jamais si c'est 23 ou 24 - nos contrats en étaient tout retournés, les frises chronologiques fleurissaient sur la toile, des webinars à foison, le digital allait devenir incontournable cette fois-ci c'est sûr, les startups en sweat-shirt nous l'assénaient avec humilité - connecte-toi ou crève - sur les AG en visio on a tout entendu, on faisait parler les textes comme on fait tourner les tables. Alors moi aussi je me suis mis aux réunions zoom, c'est vrai que c'était sympa de se voir avec les collègues, on parlait de tout sauf boulot, on voyait les enfants passer, on démarrait avec une demie-heure de retard - « On a perdu Micheline ? Jean-Louis tu nous entends ? » - Oui, drôle de période, je bossais pendant les vacances et parfois le dimanche, tout se confondait, l'école, le travail et l'apéro au même endroit, le soir venu à la télé on décomptait les morts et les nouveaux chômeurs, on écoutait les savants et les sachants, je voyais cette chaîne de solidarité humaine, ces milliards qui pleuvaient du ciel.
Voilà, il ne me reste que quelques jours avant la délivrance du 11 mai, empreint d'appréhension, pour mes gardiennes j'ai fait livrer le kit avec son gel, ses masques et sa visière de CRS, pour mes équipes j'ai fait le planning de télétravail qui volera sans doute en éclats dans une semaine, je sens déjà la vie reprendre son cours, les mails aux paroles aigres sont de retour, les demandes de badges très urgentes et les états-daté la veille pour le lendemain aussi, les frictions d'avant sont là, intactes, mais à vrai dire aujourd'hui je n'ai qu'une seule crainte, une seule angoisse, une seule véritable interrogation: vais-je encore rentrer dans mon costard ?
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Avril-Mai 2020
La pipe du WC
par Gilles Frémont
La pipe du WCChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
La vie de gestionnaire de copropriété est passionnante, rocambolesque et truffée d'histoires vraies. Laissez-moi vous compter celle-ci, avec recul et nulle rancœur.
Un matin d'automne, il y a fort longtemps, à l'époque où le téléphone sonnait en continu, je reçois un appel de cette dame, une très vieille dame, charmante au demeurant, inoffensive en apparence, une copropriétaire ne laissant présager aucune menace, à qui j'aurais donné le bon Dieu sans confession. « Monsieur le syndic, il y a une fuite au plafond de mes wc, cela fait des années, je suis désespérée, il faut venir me voir absolument ! », me dit-elle d'une voix frêle et aiguë. En tant que nouveau syndic de l'immeuble voulant montrer toute mon implication et j'admets, un peu pris par les sentiments, je me déplace et me rends dans l'appartement de la vieille dame. La porte s'ouvre, un agent de la mairie d'arrondissement est déjà là, ambiance. Je me faufile jusqu'au bout de ce long couloir, haussmannien, exigu et jauni, et je pousse la porte des wc.
« Madame, votre plafond est totalement sec, regardez la peinture est craquelée et cassante, c'est un ancien dégât des eaux, votre assurance vous indemnisera ». Tout à coup, sur ces mots, allez savoir pourquoi, ma vieille dame se raidit, comme si elle refusait d'entendre qu'un compagnon l'avait quitté. Le ton monte et, en baissant les yeux, je vois la pipe de son wc enroulée d'un énorme scotch. Une pipe est un tuyau de diamètre 10 cm, souple ou rigide, parfois extensible, droite ou coudée, elle est raccordée à l'arrière de la cuvette pour l'évacuation des eaux usées vers le réseau, à paroi intérieure lisse, la pipe permet un écoulement optimal. « Madame, vous avez vu ? Vous provoquez une fuite chez le voisin du-dessous ! ». La dame s'énerve et conteste l'évidence, j'insiste : « Je serai obligé de vous adresser une mise en demeure ! ». À cet instant précis, ma vieille dame se met à vaciller, cligne de l'œil et s'effondre au sol, dans son couloir haussmannien. Le corps est inerte, mais il respire encore, je gère ma panique et j'appelle les pompiers en toute urgence, ils arrivent, ils montent, soulèvent la dame et la portent jusqu'à son canapé. Allongée, l'air étrangement revigoré, du coin de l'œil et la voix chevrotante, elle chuchote au pompier : « Le syndic a été ignoble avec moi ». Consterné, je salue tous ces gens et m'en retourne à mon bureau.
Quelques jours plus tard, je reçois une lettre : convocation au commissariat de police. « Monsieur l'inspecteur, qu'ai-je donc fait donc ? » ; « Madame a déposé une plainte, vous l'auriez poussée et sa tête aurait heurté le radiateur ». Les bras m'en tombent. « Monsieur l'inspecteur, voici ma version, l'agent de la mairie vous la confirmera ». Classement sans suite.
La moralité de l'histoire est double : ne jamais se fier aux apparences, et toujours se faire accompagner. Je m'en souviendrai longtemps de cette pipe.
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Mars 2020
Les poubelles du restaurant
par Gilles Frémont
Les poubelles du restaurantChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Quand mes amis me demandent ce que je fais comme travail, les réflexions vont toujours bon train.
« Quel syndic ? FO ou CFDT ?» pour les plus militants et les moins érudits ; ou bien, « Tu n'aurais pas un studio à vendre côté rive gauche ?» pour les généralistes qui pensent encore que je suis agent immobilier ; ou bien encore, « Ah, c'est toi qui t'occupes des poubelles ?», l'air espiègle et un brin hautin de ceux qui ont de vagues compétences.
Passons sur les fables, fantasmes et autres mythes. À ces amis, je réponds toujours avec contenance que oui, c'est bien moi, le syndic, et je m'occupe aussi des poubelles.
Alors, pour capter l'attention de mon auditoire et enfoncer le clou avec élégance, je leur raconte justement mes histoires, mes histoires de poubelles, avec grandiloquence.
Nous sommes en assemblée générale, l'ordre du jour officiel s'achève et arrivent les questions diverses, cet ultime point qui ne figure pas à la convocation mais qui revient avec insistance chaque année ; ce moment essentiel à la vie sociale de l'immeuble où les copropriétaires expriment leurs opinions au milieu du groupe, véritable instant de démocratie où l'on débat hors du temps et hors forfait de questions éminentes telles que l'abri à vélos, les rats morts et le sapin de noël.
« Monsieur le syndic, est-il normal que la gardienne sorte les ordures du restaurant ?».
Bien qu'il soit 22h, je tente une réponse juridique pour montrer tout le savoir du syndic professionnel : « Non, ce n'est pas normal Madame, ces bacs sont privatifs, le nom du restaurant est d'ailleurs inscrit dessus à l'arrière sur le code barre ; il doit donc faire son affaire personnelle de leur rentrée et sortie. D'ailleurs, en toute rigueur, ces containers privés n'ont rien à faire dans la cour de l'immeuble qui est une partie commune, leur présence constitue donc une simple tolérance que l'on pourrait qualifier de droit de jouissance à titre personnel, informel, temporaire et révocable, que vous pourriez dénoncer à tout moment ».
Le bailleur du restaurant, assis au dernier rang, ne l'entend pas de cette oreille. « Je paye des charges comme tout le monde ; donc je ne vois pas pourquoi la gardienne ne sortirait pas mes poubelles ? ».
Je paye donc je suis.
Poursuivons la démonstration. « Monsieur, vous confondez vos poubelles avec celles de l'immeuble que vous pouvez effectivement utiliser, mais celles-ci vous risquez fort de les remplir d'un trait à vous tout seul. Or, l'article 9 prescrit de ne jouir des parties communes que sans porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ».
Dans un dernier effet de manche, j'en appelle donc à la loi et je clos les débats.
Mes amis m'écoutent encore, sans mot dire, essayant de comprendre la fin de l'histoire. Me voilà encore à parler copropriété, conquérir les cœurs et frapper les esprits dans un généreux plaidoyer.
Et vous, vous faites quoi dans la vie ?
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Janvier - Février 2020
La belle affaire
par Gilles Frémont
La belle affaireChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Les dîners du samedi soir sont l'occasion pour les amis de parler de leur appartement, donc de leur immeuble, et donc de leur syndic. « Comment il est, toi, ton syndic ? ». « Ah, le mien est vraiment super, disponible et réactif ! ».
Mes immeubles ne rentrent que par le bouche-à-oreille, sans intermédiaire payant, et lorsque l'ami de mon copropriétaire m'appelle le lundi matin pour savoir si je serais éventuellement intéressé pour gérer sa résidence, je le remercie vivement de son intérêt puis, je lui pose quelques questions : combien de lots ? Quels équipements ? Des projets de travaux ? Des procédures ? Des compteurs d'eau ? Des réunions le soir ?
Mon prix commence à se dessiner.
Puis, je bavarde un peu histoire de mieux se connaître : « Comment ça se passe dans l'immeuble, l'ambiance est-elle bonne ? ». Le client commence à se livrer : « Oh, vous savez c'est une petite copropriété tranquille sans histoires, nous avons deux ou trois petits problèmes mais rien de bien méchant et tout est en passe de se régler ». Tiens, j'ai déjà entendu ça quelque part. Je le sens quand même sur la réserve alors je creuse encore un peu ; les copropriétaires adorent parler de leurs voisins. « C'est quoi au juste ces deux ou trois petits problèmes ? Dites-moi toujours, je pourrai peut-être vous aider ? ». Oui, le syndic est un confident. Il enclenche « la deuxième » : « Un des copropriétaires ne paye pas ses charges, enfin c'est une succession vous comprenez, il y a 50 000 € dehors et les héritiers ne se parlent plus, mais ne vous inquiétez pas l'avocat est sur le dossier, nous allons bientôt saisir l'appartement d'ici deux ans. Il y a aussi un léger souci avec le voisin du dernier étage qui s'est pris les combles ; le problème n'est pas tant qu'il se soit approprié une partie commune sans autorisation ; c'est surtout qu'il a percé une trémie et que l'un de nos murs porteurs s'est affaissé, mais rien de grave rassurez-vous l'architecte est sur le coup ; il s'était d'ailleurs très bien occupé de nos fissures l'année dernière, on en est très content, lui on le garde ». Intéressant, continuez. « Ah oui j'allais oublier, les comptes de l'ancien syndic bénévole ne sont pas très clairs ; il faudra faire un audit, l'administrateur judiciaire n'avait pas retrouvé toutes les pièces. J'admets que c'est un peu le bazar dans les attributions de caves, surtout depuis la refonte des lots ; on attend le modificatif mais on n'a plus de nouvelles du notaire. Mais ne vous inquiétez pas on regardera tout cela ensemble tranquillement, et s'il faut assigner votre prédécesseur on convoquera une assemblée générale extraordinaire ».
Je crois que j'en sais assez. « Je vous remercie Monsieur pour toutes ces précisions, je fais le point en interne ». Je raccroche le téléphone, circonspect. Je regarde mon assistante sans rien dire, je ferme la fenêtre derrière moi, j'ai un peu froid dans le dos, un frisson, trois fois rien.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5160-n-655-la-belle-affaire
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Décembre 2019
L'expertise judiciaire
par Gilles Frémont
L'expertise judiciaireChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
L'histoire démarre toujours par une petite fuite, une tache d'humidité insignifiante comme on en voit tous les jours.
Puis les choses déraillent, la fuite grossit et nous glisse entre les doigts, les esprits s'emballent et un jour, le terrifiant huissier de justice vient frapper à la porte pour vous délivrer un message implacable : assignation en référé en vue de la désignation d'un expert judiciaire.
Premier réflexe, je scanne le document et je l'envoie à mon avocat ; deuxième réflexe, j'informe le conseil syndical ; troisième réflexe, je fais ma facture.
Trois mois plus tard, c'est le jour de la première réunion.
J'ai pris mon dossier et les clés de l'immeuble, un attroupement se forme sur le trottoir. Tout le monde est là : mon avocat, mon plombier, l'adversaire, son locataire, l'avocat de l'adversaire, l'avocat du locataire, l'avocat de son assurance, le plombier de l'adversaire, l'avocat du plombier de l'adversaire... je m'arrête là, la prochaine fois je leur prendrai un mini bus.
L'expert, un homme d'un certain âge habillé d'une gabardine et l'air un peu taciturne, glisse une petite blague le temps de faire tourner la feuille d'émargement, ça rit légèrement dans l'assistance mais l'ambiance reste coincée. L'expert nous relit lentement ses chefs de mission, très lentement, puis on se rend enfin, sur la scène du crime.
Nous voilà à quinze dans l'appartement deux pièces.
Je ne lâche pas l'expert d'une semelle, surveillant tout ce qu'on lui raconte, je redonne ma version des faits pendant que les autres font encore la queue dans le couloir.
Au fond de la file, deux avocats commencent à se "poiler", visiblement ils se connaissent et sont contents de se voir, un autre est plongé dans son téléphone portable, visiblement il a autre chose à faire. « Ça vous intéresse ce qu'on raconte ?» Je taquine un peu, il n'y a pas mort d'homme.
L'air est saturé d'humidité, j'en profite pour attaquer : « Dîtes donc madame, vous ouvrez les fenêtres de temps en temps ? Elles sont neuves non ? Regardez les champignons sur les murs, c'est symptomatique d'un défaut de ventilation, c'est privatif ». L'avocat d'en face ne laisse pas passer mon assaut et montre du doigt à l'expert les fissures sur la façade. « Ce sont des microfissures non infiltrantes !» répond aussi sec mon avocat. L'un minimise, l'autre exagère, c'est de bonne guerre.
On se met à émettre des hypothèses plus ou moins scientifiques, remontées capillaires, taux d'hygrométrie, échanges gazeux, pont thermique et tuyau d'arrosage.
A quatre pattes sous la baignoire, on vérifie la tuyauterie, le portable dans les toiles d'araignée, le testeur de l'expert est dans le vert, celui du plombier est dans le rouge, faudra changer les piles.
Les opérations se terminent, on se remet en cercle dans la cour pour récapituler, le mystère de la fuite n'est toujours pas élucidé, on se revoit dans six mois.
C'est parti pour durer.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro/5116-n-654-l-expertise-judiciaire
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Novembre 2019
La date d'AG
par Gilles Frémont
La date d'AGChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Un matin de mai, installée tranquillement à mon bureau un bon thé au jasmin à la main, je mets la dernière patte à une convocation d'assemblée générale qui doit partir le jour même. La saison bat son plein, les plis recommandés partent à la chaîne.
Le téléphone sonne, c'est Madame Duchesse de la résidence des Charmes qui m'interroge sur la date de la prochaine assemblée qu'elle attend avec impatience. Je l'informe que justement la convocation est prête, mais que la réunion ne se tiendra pas à la date qu'elle m'avait plus ou moins évoquée dans une conversation plus ou moins lointaine. L'échange devient subitement tendu. Elle refuse de m'écouter et me reproche de l'avoir fait exprès pour l'empêcher de venir, car Madame est en procès avec la copropriété depuis des années et un protocole doit être entériné. Sans ambages, elle me traite de menteuse, s'énerve et me raccroche au nez ! Interloquée, mes yeux posés sur ce téléphone maudit et mon thé à la main, je me plonge dans une sage introspection.
Entre mars et juin, il me faut placer une quarantaine d'AG, la plupart en soirée. Mon calendrier ressemble au jeu de l'oie, où un jour sur deux me renvoie à la case départ. Sont exclues d'emblée les vacances scolaires qui me retirent quatre semaines, puis je raye les veilles de week-end, les veilles de jours fériés et les veilles de viaduc (vive le mois de mai). Les possibilités se réduisent comme peau de chagrin. Puis je décompte les disponibilités des salles que je dois réserver, paroisses, gymnases et autres cafés-théâtres (on repassera pour la visioconférence) : «Ah non, désolé Madame pas le mardi, il y a club de bridge -Le jeudi ? Pas possible non plus, c'est catéchisme». Et comme il ne faut froisser personne (j'ai quand même un mandat à renouveler), j'écoute les contraintes et désidératas des uns et des autres : pas le mercredi, la présidente du conseil syndical garde ses petits-enfants, pas non plus après le 15 juin, le président part à la campagne. Et n'oublions pas non plus de composer avec l'agenda de l'architecte qui vient parler du ravalement, le pauvre est en AG tous les soirs lui aussi. Mais le casse-tête n'est pas encore fini, il faut, en dernier lieu, répondre aux exigences tactiques des différents copropriétaires du même étage. L'équation à six inconnues s'endurcie. La dame du 4e qui a un projet de travaux privatifs à faire passer ne sera pas là ; elle propose de décaler au lendemain, mais son voisin, qui a la ferme intention de voter «contre», refuse catégoriquement car il a déjà un rendez-vous (le match de foot à la télé). N'en jetez plus, la coupe est pleine. Donc, non Madame Duchesse, je ne le fais pas exprès, si ce n'est pas la bonne date.
Finalement, l'assemblée s'est tenue comme prévue, et Madame a pu se libérer. Avec abnégation, on finit toujours par y arriver, en tenant compte des obligations de tout le monde, et accessoirement, des nôtres.
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Octobre 2019
L'étiquette de boîte aux lettres
par Gilles Frémont
L'étiquette de boîte aux lettresChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Tout commence par un courriel anodin : « Monsieur le syndic, je viens d'acheter mon appartement et j'emménage demain ; je vous remercie de bien vouloir mettre une étiquette de boîte aux lettres à mon nom et celui de ma femme. Cordialement ».
C'est poli et courtois, je réponds poliment et courtoisement : « Monsieur, j'accuse bonne réception de votre demande et je fais le nécessaire ». Simple et efficace, j'expédie les demandes privatives pour lesquelles je travaille gratuitement dans les affaires courantes.
Je commande les étiquettes. Le tableau indicateur étant fermé à clé et n'ayant plus de gardien sur place, j'ordonne une fourniture plus pose. Puis je reçois la facture que j'impute naturellement sur le compte du copropriétaire. Mission accomplie.
Deux mois plus tard, mon copropriétaire reçoit ses charges et voit passer la note. Attention, nouveau mel de sa part, moins feutré que le premier : « Monsieur le syndic, je ne vous cache pas mon étonnement. Je découvre que vous faites appel à un organisme extérieur et n'ai nullement été informé de votre forfait à 74,53 € que je trouve totalement scandaleux pour quatre étiquettes. Sur le site du fournisseur l'étiquette boîte est à 10 € et l'étiquette tableau à 12,40 €. Je conteste formellement ce débit. En tant que syndic, il vous incombait l'obligation de m'annoncer les tarifs et me présenter les différentes options. Si vous aviez procédé ainsi, ce qui est l'usage normal de tout syndic agissant en parfaite bonne foi, je me serais déplacé en personne récupérer la clé afin d'installer les étiquettes. En tant que nouveau copropriétaire, je ne peux que regretter que ce type de manœuvres soient pratiquées au sein de votre cabinet ».
Allons bon. Les mots ne sont pas filtrés, je ne le prends pas mal. Je tente une réponse à chaud : « Monsieur, ce n'est pas mon forfait mais la facture de l'entreprise. Les étiquettes sont privatives mais vous avez préféré les commander au syndic par commodité ; j'ai géré votre affaire pour vous être agréable, mais je ne suis pas votre prestataire de service. Je regrette pour ma part que vous ne vous intéressiez au prix qu'une fois livré. Vous avez sollicité la Copropriété ; vous devez maintenant lui rembourser ses frais ».
À peine mon mel envoyé, sa réponse me revient comme dans un "tchat". Pêle-mêle, j'ai droit au couplet sur les droits du consommateur, le coût de la main d'œuvre, et comment il faisait avant dans son autre immeuble avec son autre syndic.
Effet papillon. Voilà donc comment dégénère une situation banale en copropriété pour un qui-fait-quoi et qui-paye-quoi. Voilà donc un nouveau copropriétaire qui dira à son entourage tout le bien qu'il pense de son syndic, et qui sans nul doute viendra parler de son étiquette à la prochaine assemblée, voire même l'inscrire à l'ordre du jour, voire même voter contre le renouvellement de mon mandat. Demain, j'ouvrirai une filiale de conciergerie.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/5028-n-652-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro-l-etiquette-de-boite-aux-lettres
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Septembre 2019
L'immeuble neuf
par Gilles Frémont
L'immeuble neufChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Je suis à l'heure au rendez-vous, concentré sur mon sujet, j'observe les coulures sur la façade tandis que les autres arrivent. Le promoteur a envoyé le jeune diplômé, le sous-traitant est venu en patron. Pour l'instant, je ne dis rien. Timidement, on franchit le pas de la porte, je badge la grille et les halls sécurisés, on monte dans l'ascenseur, je repasse le badge, direction les sous-sols et les entrailles de l'immeuble, on traverse le sas d'isolement, on sort du labyrinthe. Le local poubelles est bondé de cartons. Il pleut dans le parking, le chauffage ne marche pas. On m'a livré un immeuble neuf.
Je n'étais pas particulièrement emballé lorsqu'on m'a proposé cette nouvelle affaire. Pourtant la plaquette était belle, les arbres en photo étaient grands et verdoyants, les enfants jouaient au ballon, les balcons étaient bien rangés, c'était le printemps.
L'expertise dommages-ouvrage démarre. Sur le mur de la place 113 s'écoule un rideau d'eau. Synchronisés, on lève la tête. « Qu'y a-t-il au-dessus ? » demande l'expert. « Le jardin » répond le promoteur, « non, c'est le trottoir » reprend l'entreprise, « ce n'est pas le local vélos ? » finit le syndic. Je sens le torticolis. Personne n'a pris les plans, on se rabat sur le plan d'évacuation collé au mur, ça patauge. Désordre numéro 2, j'en ai déclaré dix dans le même courrier. On s'introduit dans la chaufferie et son cortège de tuyaux. Ça clignote de partout sur l'armoire de contrôle, un membre du conseil syndical intervient, ingénieur à la retraite, il sait tout et va nous le dire.
Le déjeuner approche, encore un appartement à voir. Un primo-accédant un peu soucieux nous ouvre la porte, chemise bleue bien repassée, ça me change de mamie et son peignoir. « Mon parquet gondole sous la fenêtre, mon assurance m'a dit de voir ça avec le syndic ». Tiens donc. « Infiltration ? » demande l'expert, « ventilation », suggère l'entreprise, « mauvaise pose », conclut le syndic. Moi aussi je deviens expert, GPA, biennale et décennale.
13h30. On a fini, tout le monde est délivré sauf moi. « Je peux vous voir encore une seconde ? ». Service après-vente, j'écoute. Mon copropriétaire novice me montre sa répartition de charges, je découvre le document en même temps que lui. Attention, séquence des chiffres et des lettres. Pédagogue, debout dans la cuisine et affamé, j'explique : trois lots, huit clés, vingt-quatre lignes, sept colonnes, le locatif à droite, la TVA encore à droite, l'avance de trésorerie dans l'encart en haut à gauche, le fonds travaux à l'opposé, un moins devant les provisions, un plus devant les charges (ça se complique), je l'achève avec ses index compteur dans l'interligne. Je le sens perplexe. Sans transition, il m'interpelle sur les canisses du balcon d'en face, le barbecue électrique et les étagères en plastique. Ce n'était pas sur la photo.
Le Règlement de copropriété est déjà bafoué, une copropriété est née.
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Juillet - Août 2019
La vente de la loge
par Gilles Frémont
La vente de la logeChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
La gardienne est partie à la retraite et le conseil syndical m'a demandé de ne pas la remplacer. La loge est vide depuis un an, un copropriétaire voudrait l'acheter. J'inscris sa demande à l'ordre du jour de l'assemblée générale.
Les deux-tiers des tantièmes sont là, ça faisait un bail, et je n'ai pas oublié d'inscrire au préalable la suppression du poste de concierge. Jusqu'ici tout va bien, je lance le débat : «Monsieur Lacrampe, vous souhaitez acquérir la loge pour 100 000 €, c'est bien cela ?».
Il n'a pas le temps d'ouvrir la bouche que son voisin de gauche, M. Ledroit, lui coupe la parole : « Cette loge ne peut pas être vendue ! Elle fait partie du standing de la copropriété, sa suppression porterait gravement atteinte à la destination de l'immeuble. Il faut l'unanimité ! ». Dommage, j'avais mis l'article 26. Je lui suggère de voter contre et de contester dans les deux mois.
Le voisin de droite, Mr Ledure, s'exprime à son tour, M. Lacrampe n'a toujours pas ouvert la bouche : « 100 000 € ce n'est pas le prix du marché, ça vaut le double ; ce n'est pas parce que vous êtes copropriétaire qu'on va vous en faire cadeau, à ce compte-là ça m'intéresse et j'achète aussi ! ». Ambiance.
M. Lacrampe, dos au mur, peut enfin parler, mais il sent bien que l'affaire est mal engagée : « J'aimerais acheter cette loge pour les études de mon fils ». Il tente d'avoir l'assemblée par les sentiments mais personne ne réagit. Il poursuit sa plaidoirie et durcit le ton : «Vous avez vu dans quel état se trouve cette loge ? Il y en a pour 30 000€ de travaux au bas mot ! De plus, au rez-de-chaussée, il n'y a aucune lumière, c'est lugubre [la gardienne apprécierait]. Et je vous rappelle Monsieur que vous aviez eu le bout de couloir pour 1 000 € en 2009, ça non plus ce n'est pas le prix du marché ! ».
Je compte les points et surtout je ne prends pas partie. M. Ledure ne se dégonfle pas et lui rétorque : «Vous ferez quand même une belle plus-value quand vous revendrez, et on se retrouvera avec un inconnu qui va nous mettre des locataires airbnb ! ». Remous dans la salle. Au dernier rang Mme Latuile, qu'on n'avait pas encore entendu, lève la main : « J'ai une idée, on a qu'à louer la loge nous-mêmes au lieu de la vendre ? ». « Pas possible, ce n'est pas à l'ordre du jour ! », lui répond sèchement M. Ledroit.
Le temps passe, je les laisse s'écharper un peu, pour une fois ce n'est pas sur moi. Je m'apprête à les faire voter, mais M. Ledure relance la machine : « Moi, je fais une offre à 120 000 € ! ». Sensation. Les enchères commencent, j'allume la bougie, je fais le commissaire-priseur. Finalement, Monsieur Lacrampe, dépité, retire sa proposition. De toute façon, nous n'avions pas la majorité, ce beau petit monde n'a pas réussi à se mettre d'accord. Qu'à cela ne tienne, on recommencera l'année prochaine. En attendant, la loge restera vide une année de plus, ni vendue, ni louée, ni gardienne.
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/4946-650-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro-ce-mois-ci-la-vente-de-la-loge
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Juin 2019
Ma journée en acronymes
par Gilles Frémont
Ma journée en acronymesChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Ce matin, je voulais faire une visite d'immeuble, mais finalement j'ai fait un peu d'administratif.
Courriel d'un notaire pour la signature d'une SCI, urgent, tout le bureau est sur le pont ; c'est parti, pré-état daté, CREP, DTA, termites, fiche synthétique, carnet d'entretien, beaucoup de papiers pour une seule vente, merci les lois ALUR, ELAN et SRU. Ça coince sur l'EDD, un modificatif pas publié, un lot subdivisé, le géomètre devra repasser, en attendant je mets sur le côté. J'enchaîne. Mise à jour du DUERP pour la gardienne, CDI catégorie B, 1500 UV, moins de risques depuis que les LED sont installés. Le CTQ sur l'ascenseur, fait aussi, merci loi SAE.
Allez, j'avale un café, j'ouvre le carton du promoteur. Immeuble en VEFA ; il ne manque rien ou presque, DIUO, PC, certificat de conformité, rampe handicapée, organigramme des clés, carte de propriété, et le plus important, téléphone du SAV. On archivera cet été. Pendant ce temps, mon assistante assigne un débiteur ; j'arrête de le relancer. Copie des AR à l'avocat, scan des appels de fonds, attestations article 42, c'est parti pour le TGI, dépens, article 700 CPC. Je facture mes frais, clause 9.1 du contrat type, je suis dans les clous ; la DGCCRF peut vérifier, le CNTGI aussi.
Deuxième café, le tas de courrier arrive, un constat amiable DDE, encore un, le SDC est responsable, bouchon dans le PVC, les WC ont débordé. Je remplis ma partie, à droite en riquiqui, mais il faut d'abord que je comprenne bien IRSI, j'avais déjà du mal avec la CIDRE et la CIDE-COP, sans parler de la MRI, son intercalaire et sa garantie "recherche de fuite". Je demanderai à l'ANGC.
Je mange sur le pouce, je regarde vite fait mes mels, je lance quelques OS, je codifie quelques factures, clé 01 compte 615, et je file en visite. Fiche d'immeuble sur le téléphone, je coche : BAES, OK, DAAF, VMC, ça fonctionne, on cherche la clé de l'armoire à clés, cachée dans le local TGBT. Un problème sur l'antenne TV, le monde s'est arrêté. Tiens ! Une fuite en gaine, avant compteur EF, partie commune, ce sera pour la copropriété. On sert la main et on s'en va sans divaguer, deuxième RDV, réunion de chantier juste à côté, beau ravalement ITE marquage CE, RT 2012, TVA 5.5. Je ressers des mains, le coordinateur SPS est déjà là, pas très content, il me demande le DAT, je l'ai oublié, j'avais pourtant tout vérifié, CCTP, assurance DO, entreprise TCE qualité RGE, déclarations URSSAF, tout était bon. Tant pis, on monte ; échafaudage, à chaque étage on me tient la trappe, c'est comme ça dans le BTP. On redescend, on se dit au revoir, je ressers des mains, j'attends le CR de chantier, je ferai suivre à mon CS c'est très pressé.
Retour au bureau, je suis HS mais pas encore KO, je finis par une AG, tout le monde est arrivé, on pointe le RGD, on passe sur le DTG, le DPE n'avait rien donné. Fonds travaux, 5 % sans hésiter. 22h c'est terminé, je tire mon PV, je m'empresse de parapher.
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Mai 2019
L'assemblée change son syndic
par Gilles Frémont
L'assemblée change son syndicChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
Mon confrère attend patiemment dans le couloir pendant que je fais signer la feuille. J'observe les va-et-vient, les pouvoirs passent de main en main. La tension est palpable, ça s'agite en coulisses. Dans la salle, l'ambiance est glaciale.
Ça faisait un petit moment que le conseil syndical ne me parlait plus. De nouvelles têtes venaient d'arriver, plutôt jeunes. Je sentais comme de la distance et paradoxalement de temps à autre une étrange bienveillance à mon égard. Il y avait ces petits non-dits qui précèdent la rupture, ce calme avant la tempête. Oui, les temps avaient changé, et on me reprochait aujourd'hui des choses pour lesquelles on ne me blâmait pas hier : un mail auquel je n'aurais pas répondu, une entreprise en retard, un devis élevé. Je ne m'étais pas trompé. Une fois passé le moment de crispation où l'on reçoit au courrier recommandé la pilule amère du contrat de syndic, accompagné d'une lettre type qu'on leur avait donné (sans mention des griefs), je n'avais pas eu d'autres choix que de rédiger moi-même et à contre-cœur la résolution de mon concurrent, la résolution qui scellerait peut-être la fin de l'histoire, l'immédiate révocation. La loi est dure, mais c'est la loi, alors je rédigeais.
La séance démarre, et après le feu de questions nourri sur les comptes, les valses-hésitations sur le quitus et le grand débat sur le seuil de mise en concurrence, advient l'irrépressible moment de vérité, le vote à main levée, obligatoire, sans échappatoire ni ambiguïté. A cet instant dans ma tête, je repassais en boucle les répliques préparées pendant la nuit. « S'il me dit ça, je lui réponds ça », et que vais-je répondre à l'incontournable « Ce n'est pas contre vous » ? J'avais tenté de me convaincre : « Ne te justifie pas, prend de la hauteur, dis-toi juste que c'est un de perdu, que c'est eux qui te regretteront, qu'au moins tu rentreras plus tôt ce soir ». A la fin du film, j'avais même imaginé ma sortie, pleine d'élégance, comme on tire sa révérence.
Mais peut-être que l'assemblée allait ce jour-là me réserver un de ses coups de théâtre ? Peut-être, allais-je vivre un de ses coups d'éclat délicieux que seules les folles soirées de la copropriété savent vous offrir ? Oui, peut-être que la majorité allait finalement me reconduire et renverser le conseil, anéanti et crûment destitué de ses fonctions ? Mon collègue m'avait tapé sur l'épaule avant de partir, et le boss m'avait dit « ne t'en fais pas ». La sacoche était lourde sur le chemin.
Au bout de deux heures de confinement, mon confrère presque déshydraté entre en scène, il se présente, je sors à mon tour, j'attends, il revient, je suis de retour. Le manège s'arrête, il est temps de passer au vote. L'adrénaline est montée, déterminé et presque sûr de moi, les bras sur la table et la voix claire, je prononce enfin : « Résolution numéro huit, désignation du syndic ». Faites vos jeux !
Pour consulter l'article : https://www.informationsrapidesdelacopropriete.fr/les-acteurs/4856-n-648-vis-ma-vie-de-gestionnaire-de-copro
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Avril 2019
Les charges
par Gilles Frémont et Romain Dutrieux
Les chargesChronique assurée et rédigée par l'Association nationale des gestionnaires de copropriété
En ce lundi matin de janvier, chose exceptionnelle, je n'avais pas de rendez-vous extérieur, j'étais donc bien au chaud dans le bureau et, chanceux comme tout, je prenais les appels du service.
Ça sonne : « Monsieur le syndic, je reviens de vacances et je m'étonne que le remplacement de la porte d'entrée voté en juin, ne soit toujours pas fait ! », me dit-il passablement agacé, « cela fait plus de six mois ! », insiste-t-il. La semaine commence, c'est parti. Je laisse parler sans l'interrompre, puis je lance le disque : « Monsieur, je comprends votre impatience, c'est normal, mais sachez qu'après l'assemblée générale, j'ai attendu les deux mois de contestation, ensuite j'ai passé commande, s'en est suivi un délai de douze semaines de fabrication, puis la trêve des confiseurs, les gilets blancs, et la grippe des menuisiers ». Je me dis qu'un peu d'humour ne fera pas de mal, ce n'est qu'une porte après tout.
Mais le trait d'esprit ne fait pas mouche, mon copropriétaire repart de plus belle : « Moi j'ai payé cette porte il y a trois mois, pendant ce temps-là, l'argent dort sur votre compte ». A cet instant, je ne veux pas m'éloigner du sujet, mais j'hésite quand même à lui réexpliquer la différence entre compte du syndic et compte du syndicat, entre provisions et charges, entre exigibilité et paiement, entre dépense et quote-part. Non, pas de poupées russes, restons sur la commande : « Monsieur, vous savez, j'aurais pu tout aussi bien attendre de percevoir la totalité des fonds avant de passer l'ordre de service, mais dans ce cas, vu le nombre de mauvais payeurs dans la résidence, à cette heure je n'aurais toujours pas signé le devis. Mais finalement vous voyez, j'ai signé et j'ai même payé l'acompte. Alors tout compte fait (sans jeux de mots), on est plutôt rapide non ? ».
Sur ce, je pensais l'affaire bouclée, mais voilà qu'il rebondit sur l'acompte. J'aurais dû me taire. « Moi, Monsieur, quand j'achète ma fenêtre sur Bricotruc, on ne me réclame pas d'acompte, et je suis livré en 24 heures chrono ! ». Je m'accroche, mais je commence à perdre patience aussi. Respire. « J'entends bien, mais je vous rappelle que cette porte est fabriquée sur-mesure, en chêne massif avec imposte cintré, que l'artisan l'a faite de ses mains en ateliers, selon le savoir-faire et les gestes transmis par ses aïeuls ». Stop, je m'égare. « Bref, vous avez compris, on ne compare pas des choux avec des carottes ». Il finit par se calmer, et me remercie, presque chaleureusement.
La répétition est l'âme de la pédagogie. En ce lundi matin, il n'était pas encore 10h que j'avais déjà passé en revue la moitié de la loi de 65. Finalement la porte arrivera un mois plus tard, mais une petite erreur de prise de côte la renverra aussitôt à l'atelier. Burlesque. La date initialement prévue ne sera jamais respectée, la loi de Murphy s'abattait sur moi, fallait-il en rire ou en pleurer ? Prochaine date disponible pour la pose : 1er avril.
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